Fabius, en Iran, confiant sur la relance des relations avec Paris

DUBAÏ/PARIS (Reuters) - Laurent Fabius, qui s'est rendu mercredi à Téhéran deux semaines après la conclusion de l'accord sur le nucléaire iranien, s'est dit confiant sur la relance des relations économiques et diplomatiques avec la République islamique. "L'accueil des autorités était extrêmement chaleureux, j'ai vu le président de la République, quatre ministres et tous m'ont tenu le même discours: on veut travailler avec la France", a déclaré le chef de la diplomatie française sur France 2 à l'issue de sa visite éclair dans la capitale iranienne. "Il y a certains points sur lesquels nous avons des différences avec l'Iran, notamment sur l'analyse régionale, mais ça ne doit pas nous empêcher de travailler à la paix, à la sécurité et sur le plan économique", a-t-il ajouté. "Relance" et "respect" étaient les maîtres-mots de la visite du chef de la diplomatie française, qui s'est notamment entretenu avec son homologue Mohammad Javad Zarif, le président Hassan Rohani, le ministre de l'Industrie Reza Nematzadeh et le responsable de l'Agence de protection de l'environnement, Masoumeh Ebtekar. Laurent Fabius, premier ministre français à se rendre en Iran depuis Xavier Darcos, alors ministre de la Coopération, en mai 2005, était également porteur d'une invitation de François Hollande à l'intention du président iranien, pour une visite officielle en France en novembre. Pour la France, comme pour les Etats-Unis, l'Iran peut jouer un rôle "positif" et d'"apaisement" dans la région, notamment dans le conflit syrien. Allié indéfectible du régime de Bachar al Assad, Téhéran apporte à Damas un appui militaire et une aide économique dans sa guerre contre les groupes rebelles qui a fait plus de 220.000 morts depuis mars 2011 selon l'Onu. Début juillet, l'Iran aurait encore débloqué une nouvelle ligne de crédit d'un milliard de dollars pour Damas. "L'Iran doit être un pays qui apporte des solutions", a estimé François Hollande lundi soir devant la presse présidentielle, citant le Liban, la Syrie, le Yémen et Bahreïn. A Téhéran mercredi, Mohammad Javad Zarif a fait état de "bonnes discussions" avec Laurent Fabius en vue d'une "coopération régionale dans la lutte contre le terrorisme et l'extrémisme". RAVIVER LES ÉCHANGES COMMERCIAUX Autre enjeu de cette visite-éclair : faire regagner à la France les positions perdues ces dernières années sur le marché iranien sous l'effet des sanctions infligées à Téhéran. Les échanges commerciaux entre Paris et Téhéran ont fondu en dix ans, passant de 3,7 milliards d'euros à 550 millions d'euros, et Paris espère désormais retrouver son rang malgré la concurrence chinoise et américaine. "Nos industriels travaillent ensemble depuis longtemps", a souligné Laurent Fabius. "Les technologies et les produits français sont reconnus : nous savons qu’ils répondent aux attentes des consommateurs et des entrepreneurs iraniens." Le ministre des Affaires étrangères a confirmé la visite fin septembre à Téhéran d'une délégation de chefs d'entreprise sous l'égide du Medef. Outre les constructeurs automobiles Renault et Peugeot, Total a suivi de près l'accord du 14 juillet qui prévoit la levée progressive des sanctions contre l'Iran. La compagnie pétrolière française a arrêté toute production en 2010 en Iran, elle était alors engagée dans le développement du champ gazier géant de South Pars qui contient environ la moitié des réserves naturelles iraniennes de gaz. "Un nouveau chapitre de coopération avec la compagnie française Total va commencer via le développement des champs pétroliers iraniens", a indiqué mercredi le ministre iranien du Pétrole Bijan Zanganeh, selon l'agence de presse Shana. "Total était actif dans le développement des projets pétroliers iraniens pendant plus de 20 ans (...) la porte est encore ouverte pour les activités de cette compagnie dans le développement des champs pétroliers." FABIUS ASSUME LA FERMETÉ FRANÇAISE La visite française, à l'invitation de Téhéran, irrite dans les milieux conservateurs iraniens qui dénoncent la "ligne dure" défendue par Paris lors des négociations sur le nucléaire. "Sur l'accord nucléaire c'est vrai que la position que nous avons prise était une position extrêmement ferme et je l'assume", a répondu Laurent Fabius mercredi soir. "Pourquoi? Parce qu'il s'agissait de la bombe atomique, ce n'est pas une babiole, il faut être extrêmement sérieux." La position de fermeté de la France ne risque-t-elle pas de pénaliser les investissements français comme le craignent certaines entreprises à l'instar de PSA Peugeot Citroën? "Je ne crois absolument pas", a estimé Laurent Fabius. "Les Iraniens jugent sur pièce : si nos entreprises - et c'est le cas - sont excellentes, compétitives, eh bien nous emporterons des marchés économiques." "Toute la journée j'ai vu des ministres qui m'ont dit, dans le secteur du pétrole, des transports, de l'environnement, les entreprises françaises sont excellentes, nous les attendons." Les perspectives attendues de la mise en oeuvre de l'accord du 14 juillet aiguise les appétits industriels. Dans les jours ayant suivi l'accord de Vienne, le vice-chancelier et ministre allemand de l'Economie, Sigmar Gabriel, s'est rendu à Téhéran avec une délégation de chefs d'entreprises. Federica Mogherini, la porte-parole de la diplomatie européenne qui précédait de vingt-quatre heures Laurent Fabius dans la capitale iranienne, a jugé mardi que cet accord allait "ouvrir la voie à une coopération plus large entre l'Iran et l'Occident". (Sam Wilkins à Dubaï, Sophie Louet et Marine Pennetier à Paris; édité par Yves Clarisse et Henri-Pierre André)