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L'arrivée de Bolton à la Maison blanche inquiète en Asie

La nomination de John Bolton au poste de conseiller à la sécurité nationale de la Maison blanche a été accueillie avec un peu d'inquiétude vendredi en Corée du Sud, où on redoute que son arrivée ne complique les préparatifs d'un possible sommet entre Donald Trump et Kim Jong-un. /Photo d'archives/REUTERS/Mike Segar

SEOUL (Reuters) - La nomination de John Bolton, figure radicale de la diplomatie américaine, au poste de conseiller à la sécurité nationale de la Maison blanche a été accueillie avec un peu d'inquiétude vendredi en Corée du Sud, où on redoute que l'arrivée de ce "faucon" ne complique les préparatifs d'un possible sommet entre Donald Trump et Kim Jong-un.

Avec le remplacement, le 13 mars dernier, de Rex Tillerson par Mike Pompeo à la tête du département d'Etat, Trump a continué de placer des personnalités proches de sa ligne aux postes définissant la stratégie nationale de sécurité des Etats-Unis.

Ce remaniement de l'administration américain survient alors que se prépare une possible rencontre historique et inédite entre le président américain et le dirigeant nord-coréen, qui pourrait se tenir d'ici la fin du mois de mai.

Or Bolton s'est dit partisan d'une action militaire préventive contre la Corée du Nord. "Il ne nous reste que très peu de temps avant que la Corée du Nord se dote d'armes nucléaires qu'elle sera capable de lancer. Il nous faut examiner le choix très peu attrayant d'un usage de la force militaire pour lui refuser cette capacité", tweetait l'ancien ambassadeur des Etats-Unis à l'Onu le 11 janvier dernier.

Et le mois dernier, avant que Trump ne surprenne son monde en se disant prêt à rencontrer Kim, il jugeait dans une tribune publiée par le Wall Street Journal qu'il était "parfaitement légitime que les Etats-Unis répondent à la 'nécessité' créée par les armes nucléaires de Corée du Nord en frappant les premiers".

A Séoul, des représentants du gouvernement indiquent vendredi matin qu'ils continueront de communiquer étroitement avec Washington dans cette période d'apaisement et de détente dans la péninsule coréenne - un sommet intercoréen, le troisième seulement depuis la guerre de 1950-53, est aussi en préparation. Mais l'inquiétude pointe dans leurs propos.

Chung Eui-yong, le conseiller sud-coréen à la sécurité nationale qui a joué les intermédiaires entre Pyongyang et Washington, n'a pas encore discuté avec Bolton, qui doit prendre ses fonctions début avril. Selon un haut responsable de la présidence sud-coréenne, il a estimé que le remplacement de H.R. McMaster n'était "pas mauvais".

Mais un autre haut fonctionnaire a fait part de ses regrets, soulignant que McMaster et Chung avaient su construire entre eux une relation de proximité.

Président de la commission de la Défense du Parlement sud-coréen, le député conservateur Kim Hack-yonga dit redouter que tout le processus enclenché à la faveur de la pause olympique des Jeux de Pyeongchang ne vole en éclats.

"Le moindre tournant dans une direction négative pourrait signifier que tout le travail que nous avons accompli pendant des années pour engager la Corée du Nord pourrait retomber en poussière", a-t-il dit.

A Pékin aussi l'arrivée de Bolton à la Maison blanche inquiète.

"Quelle coopération en matière de sécurité peut être menée avec la Chine ? Les armes nucléaires, la Corée du Nord, Taïwan, la mer de Chine du sud, le cyber-espace: où y a-t-il un espoir de coopération", s'interroge Shi Yinhong, spécialiste des relations sino-américaines à l'université Renmin de Pékin.

"Trump et Xi Jinping ont évoqué en public la logique de coopération, mais avec la direction négative prise sur le commerce ou la coopération sur la sécurité, ces paroles semblent de plus en plus vides", ajoute-t-il.

Le gouvernement japonais, enfin, a exprimé l'espoir que ses communications avec Washington se poursuivraient sans changement.

Narushige Michishita, professeur à l'Institut d'étude politiques de Tokyo, porte un regard nuancé sur Bolton, estimant que son approche en matière de sanctions et de pressions peut être une "bonne chose". "La mauvaise nouvelle, c'est qu'il est parfois trop dur, qu'il n'a pas de souplesse", ajoute-t-il.

(avec Christian Shepherd à Pékin et Linda Sieg à Tokyo; Henri-Pierre André pour le service français)