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L'Arménie veut discuter avec l'OSCE pour rétablir un cessez-le-feu au Haut-Karabakh

L'ARMÉNIE VEUT DISCUTER AVEC L'OSCE POUR RÉTABLIR UN CESSEZ-LE-FEU AU HAUT-KARABAKH

par Nvard Hovhannisyan

EREVAN (Reuters) - L'Arménie a annoncé vendredi qu'elle était prête à discuter avec l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) pour rétablir un cessez-le-feu dans l'enclave du Haut-Karabakh, où les combats se poursuivent depuis six jours.

L'Azerbaïdjan en revanche n'a pas encore fait connaître sa réponse à l'appel solennel lancé la veille par la France, les Etats-Unis et la Russie, les trois pays qui co-président depuis le début des années 1990 le Groupe de Minsk sur la question du Haut-Karabakh au sein de l'OSCE.

Mais le président Ilham Aliev avait déclaré mardi qu'il était hors de question de discuter avec l'Arménie tandis que son soutien turc, Recep Tayyip Erdogan, a rejeté l'initiative des trois puissances.

Gelé depuis des années, le conflit entre les forces azerbaïdjanaises et les séparatistes arméniens de cette enclave montagneuse située en territoire azerbaïdjanais mais à la population majoritairement arménienne a repris dimanche dernier, à un niveau d'intensité sans égal depuis la guerre meurtrière qui avait suivi l'effondrement de l'Union soviétique, en 1991.

De nouveaux combats ont eu lieu dans la nuit de jeudi à vendredi, et le ministère de la Défense du gouvernement séparatiste du Haut-Karabakh a dit avoir perdu 54 soldats supplémentaires, portant le bilan à 158 morts dans ses rangs auxquels s'ajoutent onze civils tués et plus de 60 autres blessés.

La défense aérienne du Haut-Karabakh affirme par ailleurs avoir abattu un avion de combat et deux drones azerbaïdjanais.

Côté azéri, l'armée n'a avancé aucun bilan militaire, mais les autorités rapportent que 19 civils ont été tués et 55 autres blessés dans des bombardements arméniens.

INITIATIVE "INACCEPTABLE", DIT ERDOGAN

La France, les Etats-Unis et la Russie ont lancé jeudi un appel à la cessation immédiate des hostilités et exhorté les dirigeants de l’Arménie et de l’Azerbaïdjan à s’engager sans délai à "reprendre les négociations de fond, de bonne foi et sans conditions préalables, sous l’égide des co-présidents du Groupe de Minsk de l’OSCE".

La Turquie, soutien de l'Azerbaïdjan, a rejeté l'initiative des trois pays du Groupe de Minsk.

"Etant donné que les Etats-Unis, la Russie et la France ont négligé ce problème pendant près de 30 ans, il est inacceptable qu'ils s'impliquent dans la recherche d'un cessez-le-feu", a déclaré jeudi le président turc Recep Tayyip Erdogan, ajoutant que le seul moyen de parvenir à un cessez-le-feu durable dans l'enclave passe par le retrait des "occupants arméniens".

Erevan s'est félicité au contraire du communiqué des co-présidents du Groupe de Minsk et a dit être prêt à y répondre.

"L'Arménie demeure engagée sur la voie d'un règlement pacifique du conflit au Haut-Karabakh. Même si nous continuerons de répondre avec force et détermination à cette agression contre le Haut-Karabakh, nous nous tenons prêts à engager le dialogue avec les pays co-présidents du Groupe de Minsk pour rétablir un régime de cessez-le-feu sur la base des accords de 1994-1995", déclare le ministère des Affaires étrangères dans un communiqué diffusé vendredi matin.

PACHINIAN: LA TURQUIE S'AVANCE

"DE NOUVEAU SUR UN CHEMIN GÉNOCIDAIRE"

Erevan dénonce "l'implication directe" d'Ankara dans les hostilités, et le Premier ministre arménien Nikol Pachinian affirme dans une interview au Figaro https://www.lefigaro.fr/international/le-premier-ministre-armenien-au-figaro-la-turquie-s-aventure-sur-un-chemin-genocidaire-20201001 que la Turquie s'avance "de nouveau sur un chemin génocidaire" en intervenant aux côtés de l'Azerbaïdjan dans le conflit autour du Haut-Karabakh.

Selon Pachinian, qui n'avance pas de preuve, la Turquie a envoyé "des milliers de mercenaires et terroristes" en provenance du nord de la Syrie pour combattre dans l'enclave et des officiers militaires turcs "sont directement impliqués dans la direction de l’offensive" lancée par l'Azerbaïdjan.

La Turquie et l'Azerbaïdjan rejettent ces accusations.

Le président français Emmanuel Macron a lui aussi accusé jeudi la Turquie d'envoyer des djihadistes de Syrie combattre au Haut-Karabakh, ce qu'il qualifié de "fait très grave nouveau, qui change la donne".

Il a assuré que 300 combattants djihadistes avaient été envoyés via la Turquie vers le Haut-Karabakh et que d'autres contingents étaient en préparation.

Son ministre des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, a annoncé vendredi matin s'être entretenu successivement avec ses homologues arménien Zohrab Mnatsakanian et azerbaïdjanais Jeikhun Bayramov, insistant sur "la menace que représenterait une internationalisation du conflit".

Dans l'immédiat, dénonce vendredi le Comité international de la Croix-Rouge (CICR), ce sont les civils qui subissent les conséquences de ce regain de violences. "Nous voyons déjà le terrible impact que cette escalade a sur les civils", a souligné Gerardo Moloeznik, un de ses représentants en Azerbaïdjan, dans un communiqué diffusé à Genève.

(avec Nailia Bagirova à Bakou et John Irish à Paris; version française Bertrand Boucey et Henri-Pierre André, édité par Jean-Stéphane Brosse)