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L'armée irakienne veut s'adapter à la tactique des djihadistes

BAGDAD (Reuters) - Les forces irakiennes engagées dans la bataille pour le site pétrolier de Baïdji ne pourront venir à bout des djihadistes de l'Etat islamique si elles ne s'adaptent pas à leurs méthodes de guérilla, estime leur état-major. La raffinerie la plus importante d'Irak, qui a changé plusieurs fois de mains depuis l'émergence de l'EI, il y a un an, est devenue l'un des principaux enjeux des combats. C'est aussi un révélateur des capacités de reconquête de l'armée, qui, après le succès de Tikrit en mars, a subi un sévère revers en mai à Ramadi, dans la grande province occidentale d'Anbar. A Baïdji, 200 km au nord-ouest de Bagdad, elle butte sur un ennemi plus mobiles et aux méthodes moins conventionnelles. "Ce sont des professionnels de la guérilla, contrairement à nos forces, qui pratiquent une forme plus ancienne de combat", souligne le général Nassir al Fartoussi, commandant de la force de réaction rapide du ministère de l'Intérieur chargée de prendre la raffinerie et la ville voisine. "Nous essuyons des tirs en provenance d'une rue de Baïdji et nous élaborons des plans pour attaquer cette rue. Le lendemain, nous lançons l'attaque, mais Daech prend nos hommes par surprise en les attaquant d'une autre rue." "On nous demande de retourner la situation (...) et d'adopter la tactique de l'usure qu'ils utilisent contre nous. Ce n'est pas facile d'apprendre les méthodes de guérilla à un soldat du jour au lendemain", poursuit l'officier. PRIORITÉ À LA RÉDUCTION DES PERTES Pour le lieutenant-colonel Ali al Djoubouri, grièvement blessé le mois dernier dans un attentat suicide, la bataille de Baïdji ne pourra être gagnée tant que les voies d'approvisionnement des djihadistes n'auront pas été coupées. Ils tiennent pour le moment les faubourgs du nord de la ville, ce qui leur ouvre la route de Mossoul, ainsi que ceux de l'ouest et du sud-ouest, en direction de la province d'Anbar. "A quoi cela sert-il de reprendre un site si les voies logistiques de l'ennemi nous sont inaccessibles ? Ils peuvent facilement envoyer des renforts, se regrouper et revenir pour récupérer leurs positions. C'est ce que j'appelle une bataille pour rien", dit Djoubouri. Selon le colonel Ahmed al Assadi, membre de l'unité conjointe formée par l'armée, la police et les forces spéciales, les cadres militaires "cherchent à éviter les lourdes pertes, ce qui est désormais le critère de jugement". "Voilà pourquoi les commandants chargés de la bataille de Baïdji donnent la priorité à la réduction des pertes et pas à la rapidité de la progression", poursuit-il. Qui plus est, souligne le colonel, l'implication des Comités de mobilisation populaire (Hachid al Chaabi), milice chiite formée de multiples composantes sur laquelle les forces gouvernementales s'appuient largement, ne facilite pas la fluidité de la chaîne de commandement. "Une telle situation favorise forcément les ratages", conclut l'officier. (Bureau de Bagdad, Jean-Philippe Lefief pour le service français)