Les rebelles du Tigré jurent de lutter jusqu'au bout face aux forces éthiopiennes

LES REBELLES DU TIGRÉ JURENT DE LUTTER JUSQU'AU BOUT FACE AUX FORCES ÉTHIOPIENNES

par Giulia Paravicini

ADDIS ABEBA (Reuters) - La région éthiopienne du Tigré, en guerre depuis deux semaines contre le gouvernement fédéral d'Addis Abeba, a promis mercredi "un enfer" à ses ennemis et juré de ne jamais céder face à l'offensive menée sur ordre du Premier ministre Abiy Ahmed.

Selon le chef du gouvernement éthiopien, qui a ordonné le 4 novembre à l'armée d'intervenir dans cette région du nord du pays pour y rétablir l'état de droit, après avoir imputé l'attaque d'une base gouvernementale aux forces locales, les troupes fédérales avancent en direction de Mekelé, la capitale régionale, et leur victoire est imminente.

Les forces fédérales s'efforcent de progresser sur deux grands axes routiers, l'un au sud de Mekelé, l'autre au nord-ouest, et sont à quelque 200 km de la ville, selon un diplomate.

Les rebelles du Front de libération du peuple du Tigré (TPLF) affirment de leur côté s'être emparés de chars et de pièces d'artillerie lors d'une série de raids victorieux, en dépit d'une large infériorité numérique.

"Le Tigré est maintenant un enfer pour ses ennemis (...). Le peuple du Tigré ne s'agenouillera jamais", ont déclaré les forces séparatistes dans un communiqué.

Debretsion Gebremichael, chef du TPLF élu président tigréen lors d'élections que le gouvernement éthiopien n'a pas reconnues, a démenti que les forces rebelles aient détruit des ponts et une route menant à Mekelé, comme l'affirme Addis Abeba.

"Nous avons déplacé notre ligne de défense et ils sont par conséquent entrés dans certaines villes du sud du Tigré", a-t-il dit dans un texto envoyé à Reuters.

Le TPLF, qui a dominé la scène politique éthiopienne pendant près de trente ans, reproche à Abiy Ahmed d'avoir écarté les habitants du Tigré des instances de sécurité et de gouvernement depuis son arrivée au pouvoir en 2018, et de vouloir assujettir totalement les représentants de la région septentrionale, qui constitue 5% de la population du pays, soit 5 millions d'habitants environ.

ADDIS ABEBA RÉFUTE TOUTE DISCRIMINATION ETHNIQUE

Le conflit a déjà fait des centaines de morts et provoqué l'exode de 30.000 réfugiés vers le Soudan voisin. Certains d'entre eux ont dit à Reuters avoir été pris pour cibles par des miliciens de l'Etat voisin d'Amhara en raison de leur appartenance à l'ethnie tigréenne et assurent que des raids aériens ont fait des victimes civiles, ce que nie Addis Abeba.

Depuis 2018, Abiy Ahmed, membre par son père de l'ethnie Oromo, le premier groupe ethnique en Ethiopie, et par sa mère de l'ethnie Amhara, le deuxième du pays, a lancé des poursuites en justice pour torture, meurtre ou corruption contre d'anciens responsables parmi lesquels de nombreux Tigréens.

Lauréat du prix Nobel de la paix 2019 pour avoir mis fin au conflit avec l'Erythrée, il réfute en revanche toute discrimination ethnique.

"Le gouvernement fédéral (...) dément dans les termes les plus vifs que cette opération ait un quelconque parti pris ethnique ou autre", a dit la cellule de crise gouvernementale dans un communiqué diffusé mercredi.

Les responsables du Tigré accusent les forces fédérales d'attaquer des églises ou des habitations. Le gouvernement fédéral répond qu'il ne vise que les forces du TPLF, tout en accusant ces dernières de se servir des civils comme boucliers humains. Des centaines de milliers d'habitants auraient été déplacés par les affrontements en cours et la région est privée d'internet, d'électricité et de services bancaires.

Les médias sont interdits d'accès dans la zone, d'où les travailleurs humanitaires se retirent, si bien qu'il est impossible de vérifier les informations des deux camps.

Selon le Comité international de la Croix-Rouge (CICR), les hôpitaux et dispensaires du Tigré et de l'Amhara manquent d'équipement pour venir en aide aux blessés. Un hôpital de Gondar, dans la région d'Amhara, a dû traiter plus de 400 personnes blessées dans le conflit en plus de 14 patients infectés par le COVID-19, selon le CICR.

(version française Jean-Philippe Lefief et Jean-Stéphane Brosse)