Large victoire électorale pour le milliardaire tchèque Babis

PRAGUE (Reuters) - Le parti ANO de l'homme d'affaires Andrej Babis a remporté haut la main les élections législatives de vendredi et samedi en République tchèque avec 29,6% des suffrages exprimés.

Il devance les libéraux du Parti démocratique civique (ODS), crédités de 11,3%, la version tchèque du Parti pirate et la formation d'extrême droite Liberté et démocratie directe (SPD), qui obtiennent respectivement 10,8 et 10,6%, selon les résultats officiels.

Le Parti social démocrate (ČSSD) du Premier ministre sortant, Bohuslav Sobotka, tombe à 7,3%, son score le plus bas depuis 1993 et la dissolution de la Tchécoslovaquie. Les chrétiens démocrates (KDU-ČSL), partenaire de Sobotka dans la coalition sortante, ne sont crédités que de 5,8% des voix. Au total, neuf partis franchissent le seuil de représentation parlementaire fixé à 5% des voix.

Andrej Babis, qui été mis en examen début octobre pour détournement de fonds européens, aura fort à faire pour former une coalition gouvernementale. Sociaux démocrates et chrétiens démocrates ont exclu samedi de cohabiter avec quelqu'un qui fait l'objet d'une procédure judiciaire. L'Intéressé, qui nie toute malversation et parle d'un complot politique, s'est quant à lui dit ouvert à toutes les alliances.

"Nous allons former un gouvernement qui sera une équipe unie. Nous voulons appliquer notre programme pour une vie meilleure dans notre pays", a-t-il déclaré, s'adressant à la presse à son quartier général de campagne.

Il a en outre nié faire partie du courant eurosceptique. "Ce n'est pas vrai, nous ne sommes pas une menace. Nous sommes pro-européens. Je suis prêt à me battre pour nos intérêts à Bruxelles", a ajouté l'homme d'affaires.

REFUS DES QUOTAS DE RÉFUGIÉS

La République tchèque jouit d'une bonne croissance économique, d'un budget en équilibre et du plus faible taux de chômage de l'Union européenne, mais les électeurs sont las des acteurs politiques traditionnels.

Méfiant à l'égard de l'UE, hostile à l'immigration, ANO se veut toujours un mouvement "anti-système", bien qu'il ait fait partie de la coalition sortante avec les sociaux-démocrates et avec les chrétiens-démocrates centristes (KDU-ČSL).

L'immigration est pratiquement inexistante en République tchèque, mais elle a été l'un des thèmes phares de la campagne. Presque tous les partis ont promis de refuser les quotas de migrants imposer par l'Union européenne.

Une préoccupation partagée par d'autres pays de la région, comme l'ont prouvé les élections législatives autrichiennes de dimanche dernier, où la droite et l'extrême droite ont recueilli plus de 57% des suffrages.

ANO, qui signifie "oui" en tchèque et a été fondé en 2011 par Babis, a su séduire à droite comme à gauche par ses promesses de réductions d'impôts, de lutte contre la corruption et de contrôle des frontières.

Andrej Babis, 63 ans, est le fondateur d'un empire financier qui a fait de lui la deuxième fortune et le premier employeur du pays, à la tête d'Agrofert, un groupe de plus de 200 entreprises opérant dans l'agroalimentaire et la pétrochimie.

Il est soupçonné d'avoir dissimulé il y a une dizaine d'années qu'il était propriétaire d'une ferme ultramoderne baptisée "le Nid de cigognes", ce qui lui aurait permis de bénéficier de subventions européennes réservées aux petites entreprises.

(Jan Lopatka et Jason Hovet; Guy Kerivel, Eric Faye, Henri-Pierre André et Jean-Philippe Lefief pour le service français)