Publicité

L'Arabie saoudite demande au Pakistan des moyens militaires

par Katharine Houreld ISLAMABAD (Reuters) - L'Arabie saoudite a demandé au Pakistan des avions de guerre, des bateaux et des soldats, a révélé lundi le ministre pakistanais de la Défense, Khawaja Asif, à l'ouverture d'un débat au Parlement sur la demande d'aide militaire formulée par Ryad dans sa lutte contre les Houthis chiites au Yémen. En demandant au Pakistan de s'impliquer dans l'offensive déclenchée le 26 mars dernier, l'Arabie saoudite, principale puissance sunnite dans la région du Golfe, place le Premier ministre pakistanais Nawaz Sharif dans une position délicate. Le Pakistan, majoritairement sunnite, est en effet le théâtre de tensions religieuses, des groupes armés s'en prenant à des membres de la minorité chiite, qui représente 20% d'une population de 180 millions d'habitants. Nawaz Sharif a répété à plusieurs reprises qu'il interviendrait en cas de menace pesant sur "l'intégrité territoriale" de l'Arabie saoudite sans dire plus précisément quelle forme pourrait prendre une telle intervention. "L'Arabie saoudite a demandé des avions de combat, des navires de guerre et des soldats", a dit son ministre de la Défense, sans préciser où Ryad souhaitait qu'ils soient déployés. De retour de Turquie, où il a discuté de la crise au Yémen, le ministre a ajouté que "le Pakistan comme la Turquie sont préoccupés par le renversement du gouvernement légitime du Yémen par l'emploi de la force par des acteurs non-étatiques". "Le Pakistan et la Turquie sont convenus que la poursuite de la crise au Yémen pourrait plonger la région dans la tourmente", a-t-il poursuivi. Il y a une semaine, un responsable gouvernemental avait dit que le Pakistan, qui compte environ 1,5 million de soldats actifs et de réservistes, allait envoyer des troupes en Arabie saoudite. Mais Khawaja Asif avait démenti par la suite qu'une décision ait été prise. "Le Pakistan cherche comment satisfaire a minima les attentes saoudiennes. Il paraît hautement improbable que le pays fasse partie d'une action d'envergure à l'intérieur du Yémen. Peut-être qu'il renforcera les frontières saoudiennes", estime Arif Rafiq, chercheur au sein du Middle East Institute. "LE PAKISTAN N'EST PAS LA SERVANTE DE L'ARABIE SAOUDITE" De violents affrontements ont opposé dimanche des combattants houthis appuyés par des éléments de l'armée yéménite qui se sont alliés avec eux à des milices locales dans la ville d'Aden, faisant des dizaines de victimes, ont dit des témoins. L'offensive des Houthis sur Aden, dernier bastion des partisans du président Abd-Rabbou Mansour Hadi, se poursuit malgré les frappes aériennes de la coalition conduite par l'Arabie saoudite. Nawaz Sharif est redevable à l'Arabie saoudite. Non seulement le pays l'a accueilli lorsqu'il a été renversé par un coup d'Etat militaire en 1999, mais en plus Riyad a injecté l'an dernier 1,5 milliard de dollars dans une économie pakistanaise qui menaçait d'imploser. Mais, en plus d'une exacerbation des tensions religieuses à l'intérieur du pays, il craint également, en cas de participation à la coalition militaire, une crispation avec l'Iran, la principale puissance chiite dans la région avec laquelle le Pakistan partage une longue frontière. L'opinion publique pakistanaise semble de son côté largement opposée à une participation à toute opération au Yémen sous commandement saoudien. "Il doit être rappelé que le Pakistan n'est pas la servante de l'Arabie saoudite qui obéirait à ses ordres en un tour de main", écrivait vendredi l'éditorialiste de l'Express Tribune. (Benoît Van Overstraeten et Henri-Pierre André pour le service français)