L'Amour ouf : le film de Gilles Lellouche aurait pu être très différent

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L'Amour ouf est le carton français de cet automne ! Avec déjà plus de 3 millions d'entrées, le film réalisé par Gilles Lellouche séduit en particulier le public des 15 - 24 ans qui aime notamment son esthétique inspirée du cinéma américain des années 80 - 90.

Gilles Lellouche revendique de nombreuses références. Citons pêle-mêle, Quentin Tarantino (Pulp Fiction), Francis Ford Coppola (Outsiders, Rusty James, Le Parrain), John Hughes (The Breakfast Club), Michael Cimino (Voyage au bout de l'enfer), Baz Luhrmann (Romeo + Juliet), Danny Boyle (Trainspotting)... La liste est longue. L'amour ouf est donc aussi une immense déclaration d'amour au cinéma d'une époque.

Un film plus social façon Dardenne ? L'une des pistes possibles !

Mais saviez-vous que L'Amour ouf aurait pu avoir un style très différent, beaucoup plus proche d'un cinéma social comme les frères Dardenne ou Ken Loach ?

Pour comprendre comment, revenons au tout début du projet. Le jour où le livre L'Amour ouf de Neville Thompson, titré en anglais Jackie Loves Johnser OK ?, arrive entre les mains de Gilles Lellouche. Livre qui lui est confié par... Benoit Poelvoorde lui-même ! Tous deux ont collaboré sur le film Narco et sont devenus amis.

Benoit Poelvoorde revient sur cette étape du projet dans le livre L'Amour ouf, journal intime d'un film, signé Eric Libiot. Un chapitre est consacré à la genèse du film.

"C'était quelque temps après la sortie de Narco, le film que Gilles a réalisé avec Tristan Aurouet et dans lequel je joue. Je lis L'Amour ouf de Neville Thompson. À l'époque, je cherchais une histoire pour tourner un film. Je dis ça aujourd'hui mais c'était déjà une arlésienne; je n'ai jamais réalisé et je ne réaliserai sans doute jamais.

L'Amour ouf n'est pas un très bon livre mais il y avait quelque chose

L'Amour ouf n'est pas un très bon livre mais il y avait quelque chose : une grande histoire d'amour un peu rock'n'roll sur plusieurs années entre deux ados qui devenaient adultes. La structure tenait le coup et en lisant le roman, les pages se tournaient facilement. Comme Gilles avait proposé qu'on écrive ensemble, je lui file le bouquin. Il adore. Et lance l'affaire."

A l'origine, L'Amour ouf devait donc être coécrit par Gilles Lellouche et Benoit Poelvoorde ensemble. L'écriture avait même commencé lors d'un séjour à la prestigieuse Villa Médicis en Italie, comme le raconte Benoit Poelvoorde, dans L'Amour ouf, journal intime d'un film, d'Eric Libiot.

Mais assez vite Benoit Poelvoorde constate que Gilles Lellouche et lui n'ont, non seulement pas les mêmes méthodes de travail, mais surtout pas la même vision du livre qu'ils veulent adapter ensemble.

Lui se réfère à Scorsese et Coppola, moi, aux frères Dardenne et à Benoît Mariage !

"On s'est vraiment bien marrés mais on s'est aussi rendu compte qu'on n'était pas sur la même longueur d'onde. Lui se réfère à Scorsese et Coppola, moi, aux frères Dardenne et à Benoît Mariage. Gilles imagine un film à l'américaine parce que sa cinéphilie vient de là, moi, je veux prendre mon temps pour raconter l'histoire parce que le réalisme belge, c'est évidemment ma culture.

Finalement, on a mis le scénario de côté et on est restés potes. J'ai ensuite tourné Le Grand Bain avec lui. À la sortie du film, heureux du succès public, il me prend à part et me dit : "Je vais reprendre L'Amour ouf." J'essaye de l'en dissuader et de le pousser vers plus d'ambition qu'un petit polar avec une petite frappe. J'ai du flair quand même, non?

J'ai lu la première version et je m'inquiétais déjà. Un film de trois heures avec des personnages qui vieillissent sur dix ou quinze ans. (...) Il est comme ça, Gilles : une force de conviction et d'auto-persuasion. Jamais angoissé. Il avait tout en tête"

Fidèle en amitié, Gilles Lellouche, qui s'est ensuite entouré d'autres coscénaristes (en l'occurrence Audrey Diwan, Ahmed Hamidi, et une participation de Julien Lambroschini), n'a pas oublié son ami Benoit Poelvoorde au moment de la distribution des rôles. Il lui a confié un rôle à contre-emploi, un personnage de méchant, La Brosse !

Benoit Poelvoorde confie : "Je me suis bien amusé pendant le tournage de L'Amour ouf. J'adore Gilles, mais je suis un luxe dans son film. J'aurais très bien pu ne pas y être, je ne lui en aurais pas du tout voulu. Parfois, je me dis qu'il m'a fait tourner parce que je lui ai parlé du bouquin. Aujourd'hui, je m'inquiète qu'on lui fasse du mal. Ceux qui ont été trop enthousiastes sur Le Grand Bain risquent de le brûler. Je croise les doigts pour lui. Et je serai là pour le protéger. »

L'Amour ouf est actuellement en salles.

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