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L'Algérie vote, Bouteflika promis à un quatrième mandat

Dans un bureau de vote d'Alger. L'élection présidentielle qui était organisée jeudi en Algérie devrait aboutir à la reconduction dans ses fonctions d'Abdelaziz Bouteflika, au pouvoir depuis quinze ans mais physiquement diminué depuis son accident vasculaire cérébral du printemps 2013. /Photo prise le 17 avril 2014/REUTERS/Louafi Larbi

par Patrick Markey et Hamid Ould Ahmed et Lamine Chikhi Alger - L'élection présidentielle qui était organisée jeudi en Algérie devrait aboutir à la reconduction dans ses fonctions d'Abdelaziz Bouteflika, au pouvoir depuis quinze ans mais physiquement diminué depuis son accident vasculaire cérébral du printemps 2013. Face à une opposition divisée entre boycott et participation au scrutin, la campagne électorale s'était achevée sans que le président sortant, 77 ans, ait participé à un seul meeting, laissant ses conseillers et partisans occuper le devant de la scène pour lui. Jeudi, c'est dans un fauteuil roulant qu'il est venu voter dans son bureau du quartier algérois d'El Biar, ne faisant aucune déclaration et serrant brièvement les mains de quelques sympathisants avant de repartir. Le président algérien avait été admis en avril 2013 à l'hôpital militaire du Val-de-Grâce à Paris où il a passé trois mois avant de rentrer dans son pays pour y poursuivre sa convalescence. Mais depuis lors, ses apparitions publiques sont restées très rares et ses adversaires n'ont pas manqué de s'interroger sur sa capacité à diriger l'Etat. Les observateurs estiment cependant que les cinq autres candidats n'ont que peu de chance face à un président sortant soutenu par le puissant Front de libération nationale (FLN), le parti qui domine la vie politique algérienne depuis l'indépendance. Les chefs de l'opposition affirment pour leur part que cette volonté de se faire réélire encore une fois est le dernier souffle de la vieille garde des "libérateurs" du FLN et des généraux de l'armée algérienne qui se considèrent comme les gardiens de la stabilité et qui, pour la plupart, résistent au changement. Ali Benflis, ancien dirigeant du FLN et ancien Premier ministre, semble le candidat le mieux placé de l'opposition, mais il a dit s'attendre à un risque de fraude électorale. ATOUTS Malgré sa faiblesse physique, Abdelaziz Bouteflika conserve plusieurs atouts qui devraient lui garantir une confortable victoire. Il dispose toujours du soutien d'une large partie de la population inquiète de voir ressurgir les violences islamistes qui avaient fait quelques 200.000 morts pendant la "décennie noire" des années 1990. "L'Algérie profonde a confiance en Bouteflika", déclarait durant la campagne Abdelmalek Sellal, qui a quitté ses fonctions de Premier ministre mi-mars pour diriger la campagne d'Abdelaziz Bouteflika. "Les gens, ajoutait-il, ne veulent pas aller vers 'l'aventurisme'." La probable réélection de Bouteflika, au pouvoir depuis 1999, est perçue comme un gage de stabilité dans un pays où une partie de la population redoute de vivre les répercussions troublées des mouvements du "Printemps arabe" en Tunisie et en Libye voisines ou encore en Egypte. "Aucun pays n'est parfait à 100%, mais les choses qu'il a faites, il les a bien faites", a estimé un ingénieur à la retraite, Abdelsaïd Saïd, qui a voté pour le président sortant, dans le quartier de Bab El Oued. "Je sais qu'il est malade, mais je vote pour lui, pour ce qu'il a fait pour nous. Et il est toujours en mesure de gouverner", a-t-il ajouté. Sa réélection serait aussi l'occasion d'organiser une transition en douceur, une stratégie qui a les faveurs des Américains et des Européens soucieux de maîtriser les mouvements islamistes dans la zone saharienne. "Il organise le transfert vers une république nouvelle. Il veut faire le transfert générationnel et il va le faire. On ne peut pas assurer aussi facilement un transfert", affirmait encore Sellal lors de la campagne. "MASCARADE ÉLECTORALE" Les premiers résultats de l'élection sont attendus vendredi. En 2004, Bouteflika avait été réélu avec 85% des voix, un score qu'il a porté à 90% cinq ans plus tard, lors de la précédente élection présidentielle qui, selon l'opposition, avait donné lieu à une fraude "industrielle". Jeudi, les opérations de vote se sont globalement déroulées dans le calme. Les bureaux devaient fermer à 19h00 (18h00 GMT). Dans certains endroits, leur ouverture pouvait être prolongée d'une heure. Les gendarmes ont dû cependant intervenir à coups de grenades lacrymogènes dans deux villages de la région de Bouira, en Kabylie, où des jeunes tentaient de perturber le scrutin. Plusieurs urnes ont été incendiées dans cette région berbérophone à l'est d'Alger. La veille, la police avait empêché la tenue d'un sit-in organisé dans le centre d'Alger à l'appel du mouvement Barakat ("Ça suffit") pour dénoncer la "mascarade électorale". "J'ai décidé de ne pas voter parce que j'en ai marre des promesses", confie Ahmed Djemi, rencontré jeudi, buvant un café, dans le quartier populaire de Bab El Oued. Il dit attendre un appartement depuis des années. Et ne voit rien venir, malgré les richesses d'un pays dont les gisements d'hydrocarbures ont permis à l'Etat de constituer des réserves de devises à hauteur de 200 milliards de dollars. (Pierre Sérisier, Tangi Salaün et Eric Faye pour le service français; édité par Henri-Pierre André)