Un laboratoire au secours des coraux en Polynésie
Le déclin des récifs coralliens s'amplifie avec le réchauffement planétaire. Tahiti et Moorea ne sont pas épargnées. Une équipe locale de chercheurs a créé des pépinières de boutures de corail qui serviront à restaurer les zones fortement endommagées.
Cet article est extrait du mensuel Sciences et Avenir n°931, daté septembre 2024.
Un lundi de printemps dans la baie d'Opunohu, à Moorea, en Polynésie française. Il est 9h30 quand Laetitia Hédouin rejoint son équipe à la marina. Chercheuse au CNRS, elle étudie les coraux depuis plus de douze ans au Centre de recherches insulaires et observatoire de l'environnement (Criobe). Les scientifiques s'équipent pour partir toute la journée dans le lagon de l'île sœur de Tahiti. Direction la pépinière de recherche sur les coraux du Criobe. Celle-ci a été créée en 2017 pour observer l'évolution de différents coraux dans le temps.
"Il s'agit d'un outil de recherche qui permet de suivre les mêmes lignées génétiques sur le long terme. Cela permet de comprendre comment les individus résistent aux épisodes de blanchissement ", précise Laetitia Hédouin. C'est que l'heure est grave. La Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES) et le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (Giec) ont établi qu'à l'horizon 2100, le déclin des récifs coralliens serait de 70 à 90 % avec un réchauffement planétaire de 1,5 °C, et de plus de 99 % à 2 °C. Tahiti et les îles voisines ne sont pas épargnées.
Les vagues de chaleur successives ont engendré d'énormes pertes, aggravées par l'arrivée massive d'acanthaster, une espèce d'étoile de mer qui se nourrit du corail, ou la survenue d'événements météorologiques extrêmes comme le cyclone Oli de 2010. La pépinière du Criobe est la première du genre en Polynésie. Sur des supports artificiels en forme d'arbres, des boutures de corail sont suspendues à des fils. Celles qui survivent serviront à restaurer les zones fortement endommagées. Au départ, l'expérimentation fut un succès : dès 2019, les scientifiques ont observé un phénomène de reproduction avec une libération massive de gamètes, une "ponte corallienne". Las, à peine quelques mois plus tard est survenu El Niño[...]