PMI: La zone euro a peut-être mangé son pain blanc

par Jonathan Cable

LONDRES (Reuters) - La croissance économique de la zone euro a ralenti bien plus que prévu en mai et si l'on ajoute à cela une inflation qui reste terne, la crainte est que la région ne retrouve plus son rythme d'expansion qui était encore dynamique tout récemment.

La Banque centrale (BCE) doit arrêter ses rachats d'actifs cette année et relever ses taux directeurs en 2019, selon une enquête Reuters du mois dernier, mais les responsables de la politique monétaire pourraient s'inquiéter de voir les pressions inflationnistes refluer alors que la croissance faiblit.

Deux membres de la BCE ont indiqué mercredi que l'institut d'émission pouvait encore mettre fin aux achats d'actifs dans le courant de l'année.

Pour Benoît Coeuré, membre du directoire de la BCE, le ralentissement économique de la zone euro n'est pas inquiétant et ne devrait pas modifier le programme de la banque centrale.

"A la fin de l'année dernière, j'ai dit que je ne m'attendais pas à ce que notre programme d'achat d'actifs ait besoin d'être prolongé de nouveau; je ne vois aucune raison de changer d'avis", a-t-il déclaré au quotidien allemand Die Zeit.

"Nous nous attendons à ce que la croissance économique se poursuive, et nous sommes de plus en plus confiants sur le fait que l'inflation progressera vers notre objectif d'un peu moins de 2%", a-t-il ajouté.

Jozef Makuch, gouverneur de la banque centrale slovaque, a estimé pour sa part que les achats d'obligations de la BCE avaient porté leurs fruits en dépit d'une inflation toujours en deçà de l'objectif proche de mais inférieur à 2%. Il a ajouté cependant s'attendre à ce que cet objectif soit atteint d'ici 2020-2021.

"Le problème à présent ce n'est pas l'économie, c'est la politique (...) les problèmes globaux comme les mesures aux Etats-Unis, l'élection en Italie, etc", a-t-il déclaré à la presse à Bratislava.

"La question est de savoir comment nous réagissons. Les risques économiques ont été résolus et remplacés par des risques globaux plus difficiles à résoudre", a-t-il ajouté.

La prochaine réunion de la BCE est prévue le 14 juin, mais le sort du programme d'achats d'actifs ne devrait pas être tranché avant la suivante le 26 juillet, selon des responsables de la banque.

RALENTISSEMENT DE LA CROISSANCE

Même si la croissance d'ensemble reste relativement forte, elle a ralenti à son rythme le plus bas depuis 20 mois en Allemagne, et le plus faible depuis un an et demi en France, selon les dernières enquêtes d'IHS Markit.

L'emploi en France a continué de progresser, là encore à un rythme inférieur à celui des derniers mois bien qu'encore soutenu.

L'euro est tombé à un creux de six mois après les PMI allemands, faisant craindre que le ralentissement de la première économie européenne ces derniers mois ait eu des répercussions plus importantes qu'on ne le pensait.

L'indice composite PMI de la zone euro, considéré comme un baromètre fiable de la croissance, a reculé à 54,1 ce mois-ci, contre 55,1 en avril, alors que les économistes interrogés par Reuters tablaient en moyenne sur un repli moindre, à 55,0.

Le seuil de 50,0 distingue croissance et contraction de l'activité.

L'économie de la zone euro, après avoir surperformé en 2017, tourne désormais au ralenti. Les indicateurs avancés inclus dans les PMI se sont également détériorés, suggérant l'absence de tout rebond dans l'immédiat.

"La baisse de l'indice PMI de la zone euro en mai est une nouvelle fois liée en partie à des facteurs temporaires, mais la faiblesse persistante des enquêtes au deuxième trimestre est certainement préoccupante", a déclaré Jessica Hinds de Capital Economics, ajoutant que le repli des composantes avancées était quelque peu "préoccupant".

IHS Markit a indiqué qu'au regard des PMI la croissance du deuxième trimestre s'orientait vers un rythme de 0,4%, en retrait par rapport à un consensus Reuters qui donnait 0,6% le mois dernier.

Avec la décélération de l'inflation dans la zone euro, revenue à 1,2% en avril, la composante des prix à la production de l'enquête PMI s'est repliée à 53,0 contre 53,4 en avril.

Malgré les pressions à la baisse sur les prix, l'indice PMI des services est tombé à son plus bas depuis début 2017, à 53,9 contre 54,7, à comparer à un consensus de 54,6.

LES NOUVEAUX CONTRATS À UN CREUX DE 9 MOIS

Avec le ralentissement de la croissance des nouveaux contrats, l'optimisme est tombé à son plus bas en neuf mois, avec un sous-indice à 64,4 ce mois-ci contre 66,2 en avril.

La déception a été la même dans le secteur manufacturier, avec un indice "flash" à un plus bas de 15 mois de 55,5 contre 56,2 en avril et un consensus à 56,0.

Le sous-indice mesurant la production, qui entre dans le calcul du PMI composite, a reculé à un plus bas de 18 mois de 54,5 contre 56,2.

Le sentiment s'est également détérioré dans le secteur manufacturier, avec un sous-indice de l'emploi à 55,5, à son plus faible niveau en neuf mois, contre 56,6 en avril.

Mais la confiance des consommateurs est probablement restée stable ce mois-ci, la Commission européenne devant en donner ce mercredi une première estimation.

(Wilfrid Exbrayat et Claude Chendjou pour le service français, édité par Véronique Tison)