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La Turquie pose ses conditions pour une offensive contre Rakka

La Turquie est disposée à soutenir une offensive contre Rakka, capitale de fait de l'organisation Etat islamique (EI) en Syrie, mais à condition que les miliciens kurdes YPG (photo) n'en soient pas les acteurs principaux. /Photo d'archives/REUTERS/Rodi Said

par Phil Stewart LONDRES (Reuters) - La Turquie est disposée à soutenir une offensive contre Rakka, capitale de fait de l'organisation Etat islamique (EI) en Syrie, mais à condition que les miliciens kurdes YPG n'en soient pas les acteurs principaux, a déclaré jeudi le ministre turc de la Défense, Fikri Isik, à Reuters. A l'issue d'un entretien avec son homologue américain Ashton Carter à Londres, Fikri Isik a insisté pour que les rebelles syriens soutenus par Ankara constituent le noyau dur des forces qui mèneront l'offensive contre Rakka, contrairement à ce qui s'est passé cet été à Manbij. "La Turquie insiste pour qu'au lieu des seules forces YPG, les opérations soient menées, en tant que principaux acteurs, par les gens de la région, et non par les YPG", a déclaré le ministre turc. "La Turquie ne permettra pas aux YPG d'étendre leur territoire et de consolider leur pouvoir en utilisant les opérations contre Daech comme prétexte", a-t-il ajouté. Les Unités de protection populaire (YPG), considérées par Ankara comme une émanation du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), et à ce titre comme un groupe terroriste, constituent le noyau dur des Forces démocratiques syriennes (FDS) qui ont repris cet été Manbij avec le soutien des Etats-Unis. Manbij et Rakka sont situées dans une région majoritairement arabe et les ambitions territoriales kurdes dans ce secteur ont précipité l'intervention militaire turque dans le nord de la Syrie le 24 août. LES KURDES DÉFIENT ANKARA Les rebelles syriens soutenus par la Turquie ont depuis chassé l'EI de Djarablous et d'autres villages proches de la frontière, mais ils ont aussi affronté les miliciens kurdes, Ankara sommant ces derniers de se retirer à l'est de l'Euphrate, qui coule près de Djarablous et Manbij. Le dossier n'est toujours pas clos: Fikri Isik a répété jeudi que tous les combattants kurdes n'avaient pas franchi l'Euphrate, Ashton Carter soutenant le contraire. Hadiya Youssef, une responsable kurde, a de son côté déclaré que Manbij avait vocation à faire partie du système fédéral souhaité par les Kurdes, et que ces derniers n'avaient pas renoncé à leur ambition d'établir une continuité territoriale entre leurs bastions du nord-est de la Syrie et la poche d'Afrin, au nord-ouest, malgré la présence entre les deux de l'armée turque. Quelques heures avant l'interview accordée par Hadiya Youssef à Reuters, l'artillerie turque avait pilonné pour la première fois des positions des forces kurdes à Afrin, ont rapporté ces dernières et l'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH). Washington, qui avait présenté cet été la prise de Manbij comme un prélude à l'offensive en direction de Rakka, a tenté jeudi de remettre la lutte contre l'EI au centre des priorités. "Le secrétaire (à la Défense) et le ministre (turc) ont discuté des récents succès de la Turquie contre l'EI dans le nord de la Syrie, et Carter a assuré Isik que les Etats-Unis soutenaient les efforts de la Turquie pour chasser l'EI de ses frontières", a fait savoir le Pentagone. "Les deux dirigeants ont aussi discuté de l'importance de reprendre Rakka, et de la nécessité de voir les forces locales jouer un rôle central (dans cette offensive", a-t-il ajouté dans un communiqué. (Tangi Salaün pour le service français)