La Turquie lance une opération militaire à Idlib en Syrie
par Ece Toksabay et Suleiman Al-Khalidi ANKARA (Reuters) - Le président turc Recep Tayyip Erdogan a annoncé samedi le lancement d'une importante opération militaire de l'Armée syrienne libre (ASL) dans la province d'Idlib, avec l'appui de l'armée turque. Samedi soir, l'armée turque a déployé des chars et des véhicules militaires à la frontière syrienne, a constaté un journaliste de Reuters. Selon le ministre turc des Affaires étrangères, Ankara souhaite éviter que des affrontements se produisent à Idlib. "Des observateurs russes et iraniens seront présents dans certaines régions et nous aurons nos propres observateurs à Idlib", a dit Mevlut Cavusoglu à la presse. Un commandant du mouvement Liwa al Moutassem, qui appartient à l'ASL, avait auparavant confirmé que des groupes armés ayant participé l'an dernier à l'opération turque "Bouclier de l'Euphrate" se tenaient prêts à entrer dans cette région du nord-ouest de la Syrie, avec l'appui de l'armée turque. La Brigade Hamza, qui a aussi participé au Bouclier de l'Euphrate, a diffusé une vidéo sur internet de ce qu'elle a présenté comme un convoi de ses forces se dirigeant vers Idlib. "Il y a une importante opération aujourd'hui à Idlib en Syrie, et cela va se poursuivre", a déclaré Recep Tayyip Erdogan dans un discours à des élus de son parti AKP (Justice et développement). La Turquie a conclu le 15 septembre avec l'Iran et la Russie un accord sur le déploiement d'observateurs aux franges de la province d'Idlib, qui est contrôlée par une alliance rebelle conduite par l'ex-front Al Nosra, anciennement affilié à Al Qaïda. La province d'Idlib a été définie par les trois pays comme une zone de "désescalade" où doit être mis en place un cessez-le-feu. Mais l'alliance islamiste, baptisée Tahrir al Cham, refuse cette trêve même si Ankara est parvenue à persuader deux des groupes de l'alliance à faire défection. "Nous ne permettrons jamais l'existence d'un sanctuaire terroriste le long de nos frontières avec la Syrie", a déclaré samedi Recep Tayyip Erdogan. "Nous continuerons à prendre d'autres initiatives après l'opération d'Idlib." "PAS UNE PARTIE DE CAMPAGNE" "Pour l'instant, l'Armée syrienne libre mène l'opération sur place", a ajouté le président turc. "La Russie apporte à l'opération un soutien aérien et nos forces armées un soutien de l'intérieur de nos frontières". Moustafa Sejari, haut responsable du Liwa al Moutassem, a précisé que les Russes n'appuieraient pas les insurgés. "En ce qui concerne les Russes, ils n'auront aucun rôle dans les zones que nous contrôlons. Le rôle des Russes se limite aux secteurs sous le contrôle du régime", a-t-il dit. L'an dernier, la Turquie avait lancé plus à l'est avec l'ASL l'opération "Bouclier de l'Euphrate", à la fois pour lutter contre l'Etat islamique et empêcher la progression des forces kurdes, une opération à laquelle Ankara a mis fin en mars dernier. En juillet dernier, Tahrir al Cham, a pris le contrôle de territoires situés à proximité du poste-frontière de Bab al Haoua, entre la Syrie et la Turquie, mettant sous son contrôle une grande partie de la zone frontalière côté Syrie. Des témoins ont rapporté que ses combattants étaient bien implantés dans le secteur frontalier d'Idlib et qu'ils maintenaient une forte présente militaire dans les villes voisines. Dans un communiqué publié sur les réseaux sociaux, l'alliance djihadiste accuse les groupes soutenus par la Turquie de travailler avec la Russie et les qualifie de traîtres, sans toutefois citer la Turquie. L'offensive sur Idlib ne sera "pas une partie de campagne", indique Tahrir al Cham. "Les lions du djihad et du martyre attendent de bondir." (Jean-Stéphane Brosse, Henri-Pierre André, Danielle Rouquié et Nicolas Delame pour le service français)