La responsabilité de l'Etat en débat dans l'affaire Merah

Le rapporteur public a demandé mercredi devant la cour d’appel administrative de Marseille l'annulation du jugement qui a condamné, en juillet 2016, l’Etat pour faute dans l’assassinat du caporal-chef Abel Chennouf, tué en mars 2012 à Montauban (Tarn-et-Garonne) par Mohamed Merah. /Photo d'archives/REUTERS/Charles Platiau

MARSEILLE (Reuters) - Le rapporteur public a demandé mercredi devant la cour d’appel administrative de Marseille l'annulation du jugement qui a condamné, en juillet 2016, l’Etat pour faute dans l’assassinat du caporal-chef Abel Chennouf, tué en mars 2012 à Montauban (Tarn-et-Garonne) par Mohamed Merah. “L’Etat n’a pas commis de faute propre à engager sa responsabilité”, a affirmé à l’audience Mickaël Revert, précisant que le “comportement étrange et suspicieux” de Mohamed Merah ne pouvait justifier en soi une surveillance “en rapport avec une menace terroriste”. Le rapporteur public, dont l’avis est généralement suivi par la cour, a estimé que “l’identification d’une faute lourde dépend de la connaissance d’un risque d’attentat et de son intensité” et que le dossier ne permet pas de voir “une erreur ou un manquement” dans l'action des services de renseignements. La cour d’appel a mis sa décision en délibéré sous une quinzaine de jours. En première instance, le tribunal administratif de Nîmes (Gard) avait reconnu l’Etat coupable de faute simple pour avoir supprimé toutes mesures de surveillance de Mohamed Merah. "La décision de supprimer toute mesure de surveillance de Mohamed Merah (...) est constitutive d’une faute engageant la responsabilité de l’Etat compte tenu notamment du profil de Mohamed Merah et du caractère hautement suspect de son comportement, établi depuis plusieurs années et renforcé par ses récents voyages en Afghanistan et au Pakistan", avait précisé le tribunal. “Il est faux de dire que M. Merah a été lâché dans la nature sans surveillance. Les services de l’Etat ont été abusés”, a plaidé la représentante du ministère de l’Intérieur, Pascale Léglise, précisant que l'existence d'une fiche S ne "suffit pas à prévenir les actes terroristes". Mohamed Merah, qui a attiré l'attention des services de renseignements français dès 2004, a fait l'objet d'une fiche S qui a été désactivée en mars 2010. "Sans aucune précision", a noté le rapporteur public, qui indique qu'aucun lien avec un réseau terroriste n'a pu à l'époque être établi. “Le loup n’était pas solitaire. On savait que Mohamed Merah se radicalisait depuis 2010, on savait qu’il était en contact avec toute une mouvance”, a dit Me Frédéric Picard, l’avocat du père d'Abel Chennouf - tué avec un autre militaire Mohamed Legouad le 15 mars quatre jours après la mort d'un autre soldat, Imad Ibn Ziaten, à Toulouse – qui a déposé plainte contre l’Etat pour non-assistance à personne en danger. “De la désactivation de la fiche S de Mohamed Merah à ses voyages en Afghanistan et au Pakistan, on voit qu’il ne suscitait plus l’intérêt des services. Il y a eu une accumulation de fautes qui constitue une faute majeure”, a-t-il ajouté. Le tribunal de Nîmes a condamné également l’Etat à indemniser l’épouse, l’enfant et les beaux-parents d’Abel Chennouf ainsi que le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme. Outre les trois militaires, Mohamed Merah a assassiné en mars 2012 trois enfants et un enseignant d'une école juive de Toulouse avant d'être abattu par les forces de l'ordre lors d'un assaut contre son domicile à Toulouse. “On est une famille déglinguée, mais on se bat pour le symbole. Je ne veux pas que mon fils et les autres soient morts pour rien. Tout cela aurait pu être évité”, a dit le père d'Abel Chennouf en marge de l’audience. (Jean-François Rosnoblet, édité par Sophie Louet)