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La prise d'Alep inquiète le "tigre" israélien

par Luke Baker JERUSALEM (Reuters) - La reconquête d'Alep par les forces gouvernementales syriennes avec l'appui de leurs alliés russes et iraniens inquiète le gouvernement israélien, qui craint l'apparition de nouvelles menaces à ses frontières, voire une redistribution des cartes dans la région. Reçu mercredi à Astana par le président kazakh Noursoultan Nazarbaïev, Benjamin Netanyahu n'a laissé aucun doute sur ses soupçons à l'égard de Téhéran, que l'écrasement des insurgés de la grande ville du nord de la Syrie a considérablement renforcé, tout comme ses supplétifs locaux. Prié de dire quel message il souhaitait adresser au président iranien Hassan Rohani, le Premier ministre israélien a répondu : "Ne nous menacez pas. Nous ne sommes pas un lapin, mais un tigre. Nous menacer, c'est vous mettre vous-même en danger", selon des propos rapportés par le Jerusalem Post. Son hôte lui a alors demandé s'il pensait réellement que l'Iran avait l'intention de rayer l'Etat d'Israël de la carte et sa réponse a été sans ambiguïté : "Oui, je le pense". Le conflit syrien a permis à la République islamique d'étendre largement sa sphère d'influence. Avec ses gardiens de la Révolution et les milices chiites qui lui sont fidèles, en particulier le Hezbollah libanais, elle est désormais présente de l'Afghanistan à la Méditerranée. Avec Tartous, dans le sud du littoral syrien, elle a même accès à un port qui pourrait alimenter le trafic d'armes dans la région, mais les Israéliens craignent aussi que, galvanisé par ses succès en Syrie et par l'appui de Téhéran, le Hezbollah ne se soit tenté de s'en prendre à nouveau à eux. Quelques accrochages ont déjà eu lieu récemment, mais le dernier affrontement armé de grande ampleur entre Tsahal et la milice chiite remonte à 2006. Il a fait un millier de morts côté libanais et 160 dans les rangs israéliens. LE NOUVEAU MOYEN-ORIENT S'il a subi de lourdes pertes en Syrie - les experts israéliens parlent de 1.700 morts et 7.000 blessés - le Hezbollah a pu reconstituer son arsenal, qui comprendrait notamment plus 100.000 roquettes. Ces dernières semaines, des raids que Damas a imputés à l'aviation israélienne ont été menés dans le sud de la Syrie et près de la capitale. Tsahal s'est refusée à tout commentaire sur ces frappes, mais le ministre de la Défense Avigdor Lieberman a déclaré la semaine dernière qu'Israël faisait le nécessaire pour empêcher le Hezbollah d'acquérir "des armements sophistiqués, du matériel militaire et des armes de destruction massive" en Syrie. Selon Avi Dichter, président de la commission israélienne des Affaires étrangères et de la Défense, et ancien directeur des services de renseignement intérieurs, l'Iran a cherché à plusieurs reprises à déployer des forces sur le plateau du Golan occupé depuis 1967 par l'Etat hébreu. Ces tentatives ont été mises en échec, mais l'afflux de capitaux qui a suivi l'accord international sur son programme nucléaire et la confiance que Téhéran en a tiré pourraient toutefois l'inciter à recommencer, souligne-t-il. Outre la menace iranienne, l'Etat hébreu doit selon lui se méfier de la Russie, qu'il considère comme une alliée mais dont la position pourrait changer si ses intérêts sont en jeu. Moscou, estime Avi Dichter, a des ambitions à long terme au Proche-Orient qui pourraient modifier plus ou moins la donne, suivant la relation que Vladimir Poutine entretiendra avec le futur président américain Donald Trump. "Ces deux dirigeants pourraient non seulement penser mais aussi agir pour créer ce qu'ils appellent le nouveau Moyen-Orient", souligne-t-il. (Jean-Philippe Lefief pour le service français, édité par Tangi Salaün)