Nouveaux rassemblements antigouvernementaux en Iran

La police anti-émeutes iranienne a dispersé vendredi des manifestants protestant contre le gouvernement dans la ville de Kermanshah (ouest). Des manifestations ont également été signalées à Téhéran et dans d'autres grandes villes du pays. /Photo d'archives/REUTERS/Morteza Nikoubazl

DUBAI (Reuters) - La police anti-émeutes iranienne a dispersé vendredi des manifestants protestant contre le gouvernement dans la ville de Kermanshah (ouest), rapporte l'agence de presse semi-officielle Fars, au lendemain d'autres rassemblements hostiles au président Hassan Rohani dans le nord-est du pays.

Des manifestations ont également été signalées à Téhéran et dans d'autres grandes villes du pays.

Ces rassemblements interviennent dans un contexte de mécontentement croissant contre la politique économique du gouvernement ou encore l'intervention coûteuse de l'Iran dans les conflits en Syrie ou en Irak.

A Kermanshah, où plus de 600 personnes ont péri lors d'un séisme le mois dernier, quelque 300 manifestants se sont rassemblés aux cris de "Liberté pour les prisonniers politiques" ou "La liberté ou la mort". Des bâtiments publics ont été endommagés, a déclaré l'agence Fars.

D'autres rassemblements ont eu lieu à Sari et Racht dans le nord du pays, à Qom au sud de Téhéran et Hamadan dans l'ouest du pays, d'après des images postées sur les réseaux sociaux dont Reuters n'a pu vérifier l'authenticité.

A Téhéran, une cinquantaine de personnes se sont réunies sur une place, et la plupart ont accepté de quitter les lieux à la demande de la police, hormis quelques manifestants qui ont été "temporairement arrêtés", a déclaré Mohsen Nasj Hamadani, directeur adjoint de la sécurité pour la province de Téhéran.

A Ispahan (centre), un habitant joint par téléphone a déclaré que des manifestants avaient rejoint un rassemblement organisé par des ouvriers d'usine pour réclamer des arriérés de salaires.

"Les slogans sont rapidement passés de l'économie à des slogans hostiles au (président Hassan) Rohani et au guide suprême (l'ayatollah Ali Khamenei)", a déclaré ce témoin.

A Qom, fief du clergé chiite, des manifestants ont scandé des slogans hostiles à Khamenei. "Seyyed Ali devrait avoir honte et quitter seul le pays", ont chanté les protestataires.

Jeudi, une manifestation a déjà eu lieu à Mashhad, deuxième ville d'Iran, contre la hausse des prix et le gouvernement, au cours de laquelle une cinquantaine de personnes ont été arrêtées.

Les manifestations à caractère politique sont rares en Iran, où les forces de sécurité sont omniprésentes. Les derniers rassemblements antigouvernementaux de grande ampleur ont eu lieu en 2009 pour protester contre la réélection de Mahmoud Ahmadinejad.

"MORT À ROHANI"

L'ayatollah conservateur Ahmad Alamolhoda, un proche du guide suprême de la Révolution islamique Ali Khamenei, a réclamé davantage de fermeté contre les manifestants.

"Si les services chargés du maintien de l'ordre laissent les émeutiers livrés à eux-mêmes, les ennemis publieront des vidéos et des photos dans les médias et diront que le système de la République islamique a perdu sa base révolutionnaire à Mashhad", a-t-il dit, selon des propos rapportés par l'agence Irna.

Alamolhoda a également déploré que des manifestants aient selon lui profité d'un rassemblement contre la hausse des prix pour crier leur hostilité au rôle de Téhéran dans les guerres régionales.

"Dans une foule de plusieurs centaines de personnes, un groupe n'excédant pas 50 personnes a crié des slogans déviants et affreux tels que 'Quittons la Palestine', 'ni Gaza, ni Liban, je ne donnera ma vie que pour l'Iran'," a déclaré l'ayatollah.

Certaines vidéos diffusées sur internet montrent aussi des manifestants criant "Mort à Rohani" ou "Mort au dictateur".

Le vice-président Eshaq Jahangiri, allié de Hassan Rohani, a laissé entendre que les conservateurs radicaux opposés au chef de l'Etat pourraient être à l'origine de ces manifestations.

"Quand un mouvement social et politique est lancé dans la rue, ceux qui l'ont déclenché ne seront plus forcément capables de le contrôler par la suite. Ceux qui sont derrière ces événements se brûleront les doigts", a-t-il déclaré, cité par l'agence Irna.

La télévision d'Etat a indiqué que des rassemblements annuels et des événements sont prévus samedi pour commémorer les manifestations progouvernementales de 2009 contre les réformistes.

L'accord conclu en 2015 par Hassan Rohani avec le groupe P5+1 sur la limitation du programme nucléaire iranien en échange d'un assouplissement des sanctions économiques tarde à faire sentir ses effets.

De nombreux Iraniens estiment que leur situation ne parvient pas à s'améliorer en raison de la corruption et de la mauvaise gestion publique.

Selon l'institut iranien de la statistique, le taux de chômage s'établit à 12,4% sur l'année fiscale, en hausse de 1,4 point par rapport à l'année précédente.

Environ 3,2 millions d'Iraniens sont sans emploi sur une population de 80 millions d'habitants.

(Rédaction de Dubaï; Jean-Stéphane Brosse pour le service français)