La pandémie de Covid-19 affecte-t-elle toujours autant les malades du cancer ?

Depuis le début de la pandémie, la solitude est un sentiment qui revient fréquemment chez les patients malades d'un cancer.

À l'occasion de la Journée mondiale contre le cancer, Yahoo Actualités revient sur les conséquences de la pandémie de Covid-19 sur les malades du cancer. Deux ans après son apparition, le virus a encore un impact sur les patients, mais bien différent d'il y a un an.

Depuis le début de l'année 2020, on sait que les malades du cancer sont grandement impactés par la pandémie de Covid-19, même sans avoir contracté le virus. Au début de la pandémie, en raison du bouleversement des soins, la surcharge des hôpitaux ou encore la fermeture des centres de dépistage, les spécialistes parlaient de plusieurs milliers de vies perdues pour les malades du cancer dans les années à venir.

Contacté par Yahoo Actualités lors de la Journée mondiale contre le cancer 2021, le professeur Axel Kahn, qui était alors président de la Ligue nationale contre le cancer, nous signalait ainsi que la diminution du nombre de diagnostiques en 2020 était de 23%, notamment à cause de l'arrêt des dépistages systématiques mais aussi à cause de la peur d'aller consulter en période de pandémie.

"Il n'y a plus de déprogrammation de masse d'opérations vitales"

Un an plus tard, les malades du cancer sont toujours affectés par ce fléau, mais différemment. Emmanuel Jammes, responsable de la mission "Société et politiques de santé" à la Ligue nationale contre le cancer, nous explique ce qui a changé : "Lors des premières vagues, il y avait des dizaines de milliers de retards au niveau des dépistages parce que les centres de dépistages étaient fermés. Pour le cancer du sein ou le cancer colorectal, il y avait plusieurs semaines voire plusieurs mois de retard pour un cancer qu'ils ne soupçonnaient pas et se développait à bas bruit. Il y avait donc du retard dans le diagnostique et dans la prise en charge... Cela veut dire des traitements plus lourds, des pertes de chance de survie et malheureusement plus de décès." S'il estime qu'il est difficile de donner des chiffres précis sur les personnes qui vont subir ces problèmes, Axel Kahn, mort des suites d'un cancer en juillet 2021, évoquait l'année dernière "entre 3000 et 8000 vies perdues dans les 5 années à venir parmi les gens qui n’auraient pas dû mourir."

Aujourd'hui, avec les réouverture des centres de dépistages ou encore le fait que les soignants positifs mais asymptomatiques sont autorisés à travailler, la situation est différente. "Les données ne sont pas encore consolidées pour 2021, mais la diminution du nombre de diagnostiques est inférieure à 23% grâce à la réouverture des centres. Il n'y a plus de déprogrammation de masse d'opérations vitales pour les patients du cancer. Ce qui est encore retardé, ce sont les opérations retardantes comme une reconstruction mammaire. Ce n'est jamais agréable, mais ce n'est pas vital."

La solitude, problème majeur

Ce qui est devenu compliqué pour les personnes malades du cancer actuellement, c'est le fait d'être seules. Pour éviter la surcharge de certains lieux, les proches doivent rester dehors et les patients sont contraints de s'y rendre seuls. "Les pouvoirs publics appellent à éviter les relations sociales lorsqu'elles sont dispensables et donc des personnes à risque restent seules. Mais ces personnes ont souvent besoin de leurs proches pour les aider dans les gestes du quotidien et elles se retrouvent seules, ce qui est difficile à vivre. La maladie, on la combat à plusieurs. Ce sont les témoignages qui reviennent très régulièrement", insiste Emmanuel Jammes.

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L'année dernière, Axel Kahn nous confiait que de nombreuses personnes avaient peur de se rendre dans les centres de soin à cause du Covid-19 qui circulait. Si le virus circule encore massivement aujourd'hui, les personnes craignent moins de se rendre dans ces lieux qu'auparavant, explique le délégué de l'observatoire sociétal du cancer à la Ligue. "C'est moins d'actualité que lors des premières vagues. Ça arrive encore mais ça reste marginal. Ce sont les personnes qui sont réticentes à la vaccination, et qui prennent des risques, qui ont parfois encore peur de se rendre à l'hôpital à cause des malades du Covid-19".

Un problème de défiance en France

Avec cette baisse du nombre de diagnostique sur les deux dernières années, la Ligue contre le cancer continue d'appeler en masse les gens à se faire dépister, mais trop peu de personnes le font. "En France, on a un problème chronique pour encourager les gens à se faire dépister. Contrairement aux pays nordiques ou les appels sont un succès, en France on est à moins d'une personne sur deux qui concrétise un appel à se faire dépister. Beaucoup n'aiment pas venir parce que c'est potentiellement une mauvaise nouvelle et on aime pas trop ça. Malheureusement, le Covid-19 n'a fait que renforcer ce sentiment, cela a exacerbé une défiance déjà présente", explique le responsable de la mission "Société et politiques de santé" à la Ligue nationale contre le cancer.

Pour la Ligue contre le cancer, il y a donc un véritable enjeu global de santé publique. Il faut renouveler les messages d'appel au dépistage pour éviter qu'un cancer ne soit diagnostiquer trop tard. À ce jour, le Covid-19 a encore un impact sur les malades du cancer mais il est "différent car il concerne plus la question de l'accompagnement et de la confiance en les systèmes de soin", conclut Emmanuel Jammes.

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