La monnaie virtuelle bitcoin passe la barre des 10.000 dollars

par Gertrude Chavez-Dreyfuss

SINGAPOUR (Reuters) - La monnaie virtuelle bitcoin a dépassé mercredi pour la première fois la barre de 10.000 dollars (8.436 euros) sur les principaux marchés de devises numériques en ligne, dont la plate-forme d'échange luxembourgeoise BitStamp.

Vers 06h00 GMT, le bitcoin se traitait autour de 10.115 dollars sur BitStamp, après avoir atteint un pic de 10.743,61 dollars, ce qui représentait une hausse de plus de 5% sur la journée.

Créée en 2009, cette devise électronique qui utilise la technologie des chaînes de blocs (blockchain) pour un transfert rapide et anonyme de fonds sans recourir à un système centralisé de paiement, est l'actif qui s'est le plus apprécié cette année. Sa valeur a été multipliée par plus de 10 depuis le 1er janvier en raison de son utilisation de plus en plus fréquente et d'une demande nouvelle des investisseurs institutionnels.

Mais ses détracteurs y voient une bulle spéculative, déconnectée de l'économie réelle et du fonctionnement des marchés financiers. L'un d'eux, le patron de JPMorgan Jamie Dimon, a été jusqu'à qualifier le bitcoin de fraude en septembre, quand la monnaie virtuelle se payait 4.000 dollars.

Le bitcoin avait dépassé les 10.000 dollars sur des plate-formes de transactions plus petites comme CEX.IO, ainsi que dans l'indice des cryptomonnaies coinmarketcap.com, bien avant d'avoir franchi cette étape sur BitStamp.

"Cette hausse de prix reflète la poursuite d'une tendance de long terme portée par l'activité spéculative au Japon, et aussi par l'entrée, encore timide, des investisseurs institutionnels sur le marché des cryptomonnaies", dit Thomas Glucksmann, chef du marketing sur la plate-forme Gatecoin à Hong Kong.

"La récente envolée se fait grâce au nouvel engouement des traders spéculatifs et au nombre croissant de traders optimistes sur les perspectives à long terme (…) de cette technologie."

Avec cette nouvelle poussée, les bitcoiners, raillés depuis des années, devraient enfin être pris au sérieux, souligne Sol Lederer, directeur du "blockchain" pour la société technologique américaine Loomia.

"L'avenir du bitcoin reste incertain; il est confronté aux mêmes défis technologiques qu'à ses débuts et à une rude concurrence de nouvelles chaînes de blocs plus sophistiquées. Mais même s'il subit un krach, le bitcoin ne disparaîtra pas."

Sur certains marchés émergents, le bitcoin se traite largement au-dessus des 10.000 dollars. Au Zimbabwe, il s'échangeait lundi à 17.875 dollars et en Corée du Sud, il frôlait les 11.000 dollars en début de semaine.

Le bitcoin a été porté ces derniers mois par l'annonce par des opérateurs de marchés comme le CME Group et le Chicago Board Options Exchange (CBOE) de leur intention de lancer des contrats à termes sur cet actif.

"Je suis sûr qu'il y aura quelques replis au cours des prochaines semaines et mois, le marché des cryptomonnaies étant assez illiquide, ce qui entraîne automatiquement de la volatilité, dit Thomas Glucksmann de Gatecoin.

Mike Novogratz, un ancien gérant de fonds spéculatifs chez Fortress Investment Group, a estimé ce mois-ci au Sommet Reuters sur l'investissement que les investisseurs classiques devraient arriver sur le marché du bitcoin d'ici six à huit mois.

Mais de nombreux banquiers, dont le directeur général de Credit Suisse Tidjane Thiam, ont exprimé leur scepticisme.

"A notre connaissance, la seule raison d'acheter ou de vendre du bitcoin aujourd'hui est de faire de l'argent, ce qui est la définition même de la spéculation et d'une bulle", a-t-il dit récemment.

(Avec Marius Zaharia à Hong Kong et Vidya Ranganathan à Singapour, Danielle Rouquié et Juliette Rouillon pour le service français, édité par Véronique Tison)