La menace de guerre commerciale réveille l'aversion au risque

par Marc Angrand

PARIS (Reuters) - Les Bourses européennes ont fini en net repli vendredi tandis que Wall Street amplifiait son recul de la veille, la décision de Donald Trump de taxer les importations d'acier et d'aluminium aux Etats-Unis ayant ravivé les craintes de tensions commerciales à grande échelle dont les conséquences économiques et financières seraient forcément lourdes.

À Paris, le CAC 40 a terminé en baisse de 2,39% (125,98 points) à 5.136,58 points, sa plus forte baisse en pourcentage sur une séance depuis le 27 juin 2016, après le référendum britannique sur l'Union européenne. Il retombe ainsi à son plus bas niveau depuis le 14 février.

A Londres, le FTSE 100 a perdu 1,47% et à Francfort, le Dax a reculé de 2,27%. L'indice EuroStoxx 50 a cédé 2,19%, le FTSEurofirst 300 2,13% et le Stoxx 600 2,06%.

Sur l'ensemble de la semaine, le Stoxx 600 accuse un repli de 3,68% et le CAC une baisse de 3,4% après deux semaines de rebond.

La Bourse de Milan, elle, a perdu 2,39% sur la journée et 3,35% sur la semaine, pénalisée aussi par l'incertitude sur l'issue des élections législatives de dimanche.

Au moment de la clôture en Europe, Wall Street réduisait légèrement ses pertes mais le Dow Jones cédait encore près de 1% après -1,68% jeudi.

La volonté du président américain d'appliquer dès la semaine prochaine des droits de douane de 25% sur les importations d'acier et de 10% sur celles d'aluminium a réveillé les craintes de tensions commerciales à l'échelle planétaire et de montée du protectionnisme.

SIDÉRURGIE, AÉRONAUTIQUE ET AUTOMOBILE ONT SOUFFERT

Le dossier des tensions commerciales a ainsi relégué en quelques heures à l'arrière-plan les préoccupations qui dominaient les marchés ces derniers jours, qu'il s'agisse des interrogations sur l'évolution des politiques monétaires aux Etats-Unis et dans la zone euro ou du risque politique lié au scrutin italien de dimanche.

Baromètre de la nervosité des investisseurs, l'indice Vix de volatilité des marchés américains est remonté un temps à plus de 24, contre moins de 16 lundi. Une tendance également sensible en Europe, où l'indice de volatilité de l'EuroStoxx 50 a bondi de 13,7% sur la journée.

Le mouvement général de baisse des actions a particulièrement touché les secteurs les plus exposés au risque de tensions commerciales, à commencer logiquement par les sidérurgiques: ArcelorMittal a ainsi cédé 3,7%, ThyssenKrupp 4,08% et Salzgitter 5,17%.

Dans l'aéronautique, Airbus a perdu 3,24%, Safran 4,63% et Dassault Aviation 3,1%.

Les constructeurs automobiles ont eux aussi souffert, à commencer par les plus présents sur le marché américain: Fiat Chrysler Automobiles a reculé de 5,72%, Daimler de 2,42%.

Signe des craintes pour le commerce mondial: le géant du transport maritime A.P. Moeller-Maersk a cédé 4,13%.

A la hausse, Vallourec a gagné 1,51%, l'une des rares hausses de l'indice SBF 120 parisien, profitant des espoirs de voir ses concurrents chinois désavantagés sur le marché américain.

Getlink, l'ex-Groupe Eurotunnel, a bondi de 11,54% après l'entrée à son capital de l'italien Atlantia à hauteur de 15,49%.

LE DOLLAR À LA PEINE, LE YEN RECHERCHÉ

Sur le marché des changes, le dollar, qui avait bien commencé la semaine grâce aux déclarations de Jerome Powell, le président de la Réserve fédérale, sur le dynamisme de l'économie américaine, la termine lui aussi en territoire négatif: il cède 0,36% face à un panier de devises de référence et 0,4% face à l'euro, qui remonte à 1,2320.

La livre sterling, elle, restait orientée à la baisse après le discours sur le Brexit de la Première ministre britannique, Theresa May, qui est restée vague quant à d'éventuelles concessions dans les négociations.

Le yen, à l'opposé, a gagné du terrain face au dollar et à l'euro, profitant à la fois de son statut de valeur refuge et des déclarations du gouverneur de la Banque du Japon, Haruhiko Kuroda, sur l'éventualité d'une sortie de la BoJ de sa politique monétaire ultra-accommodante si l'inflation atteint l'objectif de 2% au cours de l'année fiscale se terminant le 31 mars 2020.

Ces propos ont par ailleurs favorisé la remontée des rendements obligataires, qui avaient auparavant reculé avec le repli sur les emprunts d'Etat.

Le 10 ans américain, tombé brièvement sous 2,80%, est ainsi revenu à plus de 2,86% et son équivalent allemand est remonté à 0,65% contre moins de 0,61% en matinée.

Le marché pétrolier reste dans le rouge et s'achemine lui aussi vers une performance hebdomadaire négative après deux semaines de hausse, l'impact défavorable de l'offensive commerciale de Donald Trump s'ajoutant à l'augmentation continue des stocks de brut aux Etats-Unis.

Le Brent oscille autour du seuil des 64 dollars le baril, le brut léger américain (West Texas Intermediate, WTI) autour de 61 dollars.

(Edité par Bertrand Boucey)