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La menace des smartphones chinois plane sur Apple

par Stephen Nellis

SAN FRANCISCO (Reuters) - Les avertissements lancés cette semaine par plusieurs fournisseurs d'Apple font craindre que les ventes d'iPhone n'aient atteint un palier susceptible de compromettre la stratégie du groupe californien de faire de ses services son principal moteur de croissance.

Au cours de l'année dernière, les marchés étaient largement disposés à oublier la stagnation des volumes d'iPhone écoulés en raison d'un prix de vente moyen toujours en hausse. Mais il désormais difficile d'ignorer la concurrence féroce dans les smartphones de ce segment fabriqués notamment par le chinois Xiaomi.

La stratégie d'Apple de devenir une entreprise axée sur des services payants tels qu'Apple Music et iCloud repose sur la constitution d'une base de propriétaires d'appareils aussi large que possible, l'iPhone en étant la pierre angulaire.

En l'absence de croissance des volumes sur des marchés internationaux prometteurs comme l'Inde, le Brésil et la Russie, la crainte est qu'Apple commette en partie une erreur en misant trop sur sa marque haut de gamme et ses prix élevés.

LA PART DE MARCHÉ D'APPLE STAGNE

Un trio de fabricants chinois de smartphones - Xiaomi, Oppo et Vivo - représentait un quart du marché mondial des smartphones au premier semestre 2018, selon les données du cabinet d'études IDC, contre 8,9% en 2014.

Mais à l'exception de l'exercice fiscal 2015, la marque à la pomme n'a pas accru sa part de marché. Apple pesait 13,6% du marché mondial sur les six premiers mois de cette année, à comparer à 14,8% en 2014, bien que sa part augmente traditionnellement sur l'ensemble de son exercice fiscal en raison des fortes ventes qu'il enregistre en décembre.

Apple dispose actuellement de ce qu'il appelle une base installée active de 1,3 milliard d'iPhone, iPad et Mac, qui constitue un ensemble de clients potentiels pour ses services. Ces derniers ont généré 37,1 milliards de dollars (32,8 milliards d'euros) lors du dernier exercice fiscal.

Cela représentait 14% du chiffre d'affaires total d'Apple, contre 8,5% pour l'exercice fiscal 2015, lorsque les ventes d'iPhone ont atteint leur pic.

Mais IDC estime que le marché mondial des smartphones ne devrait croître que de 2,4% à 1,6 milliard d'unités d'ici 2022, témoignant d'un marché saturé dans lequel le groupe de Cupertino devra se battre pour chaque client.

Xiaomi, en particulier, en conquiert rapidement. En Inde, où Apple n'est que peu présent, le fabricant chinois a réalisé certains trimestres des ventes meilleures que celles du sud-coréen Samsung Electronics, devenant le premier vendeur du pays. Xiaomi est également sur les rangs en Europe, où il ouvre des magasins.

"Beaucoup de ces marques ne sont pas présentes (aux Etats-Unis) mais elles s'invitent sur des terrains de jeu où elles ne jouaient pas auparavant", relève Ryan Reith, chez IDC.

LES FOURNISSEURS D'APPLE SOUFFRENT

Le 1er novembre, Apple a déçu les investisseurs avec une prévision plus faible que prévu de son chiffre d'affaires pour la période octobre-décembre, premier trimestre de son exercice fiscal 2019. L'annonce qu'il cesserait de publier ses ventes unitaires d'iPhone, d'iPad et d'ordinateurs Mac a également été mal accueillie par la communauté financière puisqu'il ne sera plus possible de calculer le prix moyen de vente des téléphones, une mesure clé de la performance.

Soulignant la stagnation des ventes unitaires d'iPhone, Apple a également dit avoir vendu 217,7 millions de smartphones au cours de son dernier exercice, un chiffre pratiquement identique à celui d'il y a un an et bien inférieur au pic de 231,2 millions enregistré en 2015.

Le cours de l'action Apple, qui a chuté à l'annonce de ces prévisions, a depuis accentué ses pertes après les avertissements de trois des fournisseurs du groupe, Lumentum Holdings aux Etats-Unis, Japan Display et IQE au Royaume-Uni.

Le titre a perdu environ 8% depuis le 1er novembre.

Apple s'est refusé à commenter ces fluctuations boursières. Mais il dispose d'une chaîne d'approvisionnement importante et ses dirigeants ont dans le passé mis en garde les investisseurs contre toute tentation de se focaliser sur certaines données éparses.

Les derniers modèles d'iPhone, comme le XS ou le XR, remportent un franc succès auprès d'une clientèle fidèle dans des économies riches. Mais leurs prix, qui peuvent atteindre 1.449 dollars, les placent hors de portée de nombreux consommateurs dans des pays moins développés.

La stratégie d'Apple consiste à attirer ces consommateurs vers son écosystème avec des modèles plus anciens à des prix plus avantageux.

Mais les fabricants chinois équipent leurs téléphones de puces haut de gamme et de systèmes de reconnaissance d'empreintes digitales, autant de fonctionnalités destinées à détourner les consommateurs des iPhone.

Ces fabricants optent de plus en plus pour les puces plus puissantes de Qualcomm, relève Cristiano Amon, patron des activités de puces chez le fabricant américain, engagé dans une bataille juridique avec Apple.

Ces téléphones étaient d'abord vendus en Chine mais "nous les avons également vus gagner des parts de marché en dehors de la Chine, en particulier en Inde et en Europe", dit-il.

Sur son marché intérieur, Apple est également défié, notamment par le fabricant chinois OnePlus, qui s'inscrit dans la gamme de prix du groupe américain.

Après n'avoir été disponible aux Etats-Unis que via internet pendant des années, le OnePlus 6T est désormais proposé dans les magasins de T-Mobile US.

A 549 dollars, il se situe en termes de prix entre l'iPhone 7 et l'iPhone 8. Kyle Kiang, directeur général de OnePlus pour l'Amérique du Nord, a déclaré que les ventes dépassaient à ce stade les attentes en interne, sans toutefois donner de chiffres.

(Catherine Mallebay-Vacqueur pour le service français, édité par Dominique Rodriguez)