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La Libye dévoile les noms de suspects de l'attentat de Lockerbie

Abdallah Senoussi, ancien chef des services de renseignement libyens, est l'un des deux individus soupçonnés par la justice écossaise d'avoir participé à l'attentat de Lockerbie, en 1988. /Photo d'archives/REUTERS/Ismail Zitouny

par Ahmed Elumami TUNIS (Reuters) - Les deux individus soupçonnés par la justice écossaise d'avoir participé à l'attentat de Lockerbie qui a fait 270 morts en 1988 sont Abdallah Senoussi, qui dirigeait les renseignements libyens à l'époque de Mouammar Kadhafi, et Mohamed Abou Edjaïla, a annoncé vendredi le gouvernement de Tripoli. Les autorités judiciaires écossaises avaient fait savoir jeudi que deux Libyens étaient soupçonnés d'avoir participé à l'attentat contre un Boeing de la Pan Am qui a explosé dans le ciel écossais le 21 décembre 1988, mais elles n'avaient pas donné leur nom. Abdallah Senoussi est détenu à Tripoli après avoir été condamné pour son rôle dans la mort de manifestants lors du soulèvement contre le régime de Mouammar Kadhafi en 2011. Aucun détail n'a en revanche été donné sur le second suspect. Mais, selon une personne au fait du dossier, Mohamed Abou Edjaïla pourrait être aussi connu sous le nom de Mohamed Abouadjela Massoud, un artificier bien connu. Djamal Zoubia, responsable des relations avec les médias du gouvernement de Tripoli, a adressé un message à la presse pour confirmer l'identité des deux hommes, tout en prévenant que le parquet libyen n'avait pas été officiellement informé. Les autorités écossaises et britanniques ont dit avoir informé la Libye de leur souhait d'envoyer des enquêteurs sur place, mais, quatre ans après la révolte qui a chassé Mouammar Kadhafi, le pays est déchiré entre deux gouvernements, chacun soutenu par des groupes armés. En juillet dernier, le fils le plus connu du dirigeant libyen, Saïf al Islam, et huit autres personnes, dont Senoussi, ont été condamnés à mort pour crimes de guerre et notamment le meurtre de manifestants en 2011. Ils doivent en principe être fusillés. Les organisations des droits de l'homme ont mis en cause l'impartialité du procès. En 2001, le Libyen Abdel Basset al Megrahi a été condamné à la réclusion à perpétuité pour sa participation à l'attentat de Lockerbie. Décédé en 2012, il reste la seule personne condamnée dans cette affaire. CONDAMNÉ À TORT ? Un second Libyen accusé d'avoir participé à l'attentat, Lamine Fhima, a été jugé avec Megrahi devant une juridiction spéciale aux Pays-Bas mais il a été déclaré non coupable. Le Scottish Crown Office (le ministère public écossais) n'a pas nommé les deux nouveaux suspects mais a dit qu'ils étaient soupçonnés d'avoir participé à l'attentat aux côtés de Megrahi. De source proche du dossier, on indique que le nom de l'artificier Mohamed Abouadjela Massoud avait été évoqué dans l'acte d'accusation initial contre Megrahi. Les autorités judiciaires écossaises et américaines souhaitent l'aide des autorités judiciaires libyennes pour que leurs policiers puissent interroger les deux suspects à Tripoli, a indiqué le porte-parole du Scottish Crown Office. En 2003, Mouammar Kadhafi avait reconnu la responsabilité de son pays dans l'attentat de Lockerbie et indemnisé les familles des victimes, mais n'avait pas admis en être personnellement le commanditaire. Abdel Basset al Megrahi, qui a toujours clamé son innocence, est mort en Libye en 2012, trois ans après avoir été libéré pour raison humanitaire. Il souffrait d'un cancer en phase terminale. Sa famille et certains proches des victimes pensent qu'il a été condamné à tort. En décembre, le procureur d'Ecosse a indiqué que rien de nouveau ne permettait de mettre en doute la condamnation de Megrahi et que la recherche de complices était compliquée par le chaos qui règne en Libye depuis la chute de Mouammar Kadhafi. Envoyer des enquêteurs en Libye risque de s'avérer compliqué. La quasi-totalité du personnel des ambassades a quitté la capitale l'an dernier après sa prise par l'Aube libyenne, un groupe armé qui y a installé son propre gouvernement. Le gouvernement légitime s'est exilé à Tobrouk, dans l'Est. (Avec Kate Holton à Londres; Nicolas Delame et Danielle Rouquié pour le service français)