L'affaire des écoutes de Nicolas Sarkozy validée par la justice

La chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris a validé la procédure de l'affaire dite des "écoutes", où Nicolas Sarkozy est mis en examen pour corruption et trafic d'influence actifs et recel de violation du secret professionnel. /Photo d'archives/REUTERS/Stéphane Mahé

par Chine Labbé PARIS (Reuters) - L'enquête qui vise Nicolas Sarkozy pour des soupçons de trafic d'influence peut reprendre, la cour d'appel de Paris ayant validé jeudi la quasi-totalité de la procédure décriée par l'ex-président et son avocat, Me Thierry Herzog. L'enquête avait été suspendue en septembre sur demande du président de la chambre de l'instruction dans l'attente de l'examen des requêtes en nullité déposées par la défense, qui contestait la légalité des écoutes à l'origine de l'affaire. La décision de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, conforme aux réquisitions du parquet général, est un coup dur pour les ambitions présidentielles présumées de l'actuel dirigeant de l'UMP, mis en examen pour corruption et trafic d'influence actifs et recel de violation du secret professionnel. Comme le ministère public l'avait demandé, une seule écoute, périphérique dans l'enquête, a été annulée jeudi. Elle concerne Thierry Herzog et a été ordonnée postérieurement à l'ouverture de l'information judiciaire, précise une source judiciaire. Elle est annulée car le bâtonnier n'avait pas été prévenu comme il aurait dû l'être. "Nous allons immédiatement former un pourvoi en cassation contre cette décision qui (...) est non seulement critiquable au regard du droit mais également des principes dégagés par la Cour européenne des droits de l'homme", a déclaré à la presse Me Paul-Albert Iweins, avocat de Thierry Herzog, également mis en examen dans ce dossier. "Le combat pour le secret des communications entre un avocat et son client n'est pas simplement le combat de Thierry Herzog, c'est le combat de tous les avocats, et il va se poursuivre avec la même ardeur et la même énergie", a-t-il ajouté. Ce pourvoi en cassation n'est toutefois pas suspensif, indique à Reuters une source judiciaire, qui précise que l'information judiciaire peut reprendre. DES MÉTHODES COMPARÉES À LA STASI Dans son arrêt, la cour d'appel précise qu'il y a lieu de lever la suspension de l'enquête, décidée en septembre dernier, ajoute cette source. Les juges pourraient toutefois attendre la décision de la Cour de cassation, que la défense va saisir, avant de produire de nouveaux actes, la plus haute juridiction pouvant se prononcer assez rapidement, selon une source proche du dossier. La décision de la Cour de cassation pourrait être rendue d'ici fin mai-début juin, précise une autre source judiciaire. Dans leurs requêtes en nullité déposées mi-septembre, l'ancien président et son avocat contestaient la légalité des écoutes à l'origine de l'enquête. Deux téléphones utilisés par l'ex-chef de l'Etat avaient été placés sur écoutes en septembre 2013 dans le cadre d'une enquête sur des accusations de financement libyen de sa campagne électorale en 2007. Son avocat avait été écouté de manière incidente. Ces interceptions auraient révélé que Nicolas Sarkozy et Thierry Herzog étaient bien renseignés sur une procédure à la Cour de cassation dans l'affaire des soupçons d'abus de faiblesse aux dépens de la milliardaire Liliane Bettencourt, dans laquelle le président de l'UMP a bénéficié d'un non-lieu. Les juges soupçonnent Nicolas Sarkozy d'avoir proposé de faciliter une promotion à Monaco de Gilbert Azibert, ancien avocat général à la Cour de cassation, en échange de renseignements sur l'avancée du dossier. Son placement sur écoute et l'interception de conversations avec son conseil avaient suscité l'ire de la profession, qui avait dénoncé des atteintes graves au secret professionnel. L'opposition avait quant à elle accusé l'exécutif de s'être livré à un "espionnage politique" à des fins partisanes. En mars 2014, dans une tribune publiée dans Le Figaro, Nicolas Sarkozy avait assimilé les écoutes aux méthodes de la Stasi, la police politique de l'ex-Allemagne de l'Est. (édité par Yves Clarisse)