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La justice française refuse l'extradition de l'ex-PM kosovar

La cour d'appel de Colmar (Haut-Rhin) a donné jeudi un avis défavorable à l'extradition vers la Serbie de l'ancien Premier ministre kosovar Ramush Haradinaj, que Belgrade veut juger pour des crimes de guerre commis en 1999 durant la guerre du Kosovo. /Photo d'archives/REUTERS/Hazir Reka

par Gilbert Reilhac COLMAR, Haut-Rhin (Reuters) - La cour d'appel de Colmar (Haut-Rhin) a rejeté jeudi la demande d'extradition vers la Serbie de l'ancien Premier ministre kosovar Ramush Haradinaj, que Belgrade veut juger pour des crimes de guerre commis en 1999 durant la guerre du Kosovo. Les juges ont justifié leur décision par "l’exceptionnelle gravité" qu’aurait cette extradition pour l’ancien chef de guerre, aujourd’hui président de l'Alliance pour l'avenir du Kosovo, un parti d'opposition, et pour le Kosovo lui-même. La cour a en conséquence levé le contrôle judiciaire auquel Haradinaj était soumis depuis son arrestation, début janvier à l'aéroport de Bâle-Mulhouse-Fribourg, l’autorisant de facto à quitter la France. Le parquet général, qui avait recommandé le 6 avril la remise à la Serbie de cet homme de 48 ans, dispose de cinq jours pour se pourvoir en cassation, mais le pourvoi n’est pas suspensif. A Belgrade, le Premier ministre serbe Aleksandar Vucic a réuni la presse et dénoncé une décision "honteuse, scandaleuse, illégale, absolument injuste et, par-dessus tout, obéissant à des motifs politiques". Son gouvernement, qui considère Haradinaj comme un criminel de guerre, a adressé une protestation officielle aux autorités françaises et décidé de rappeler pour consultations son ambassadeur en poste à Paris. Au Kosovo, qui réclame régulièrement que la Serbie cesse ses procédures judiciaires contre d'anciens acteurs du conflit, le président Hashim Thaci a salué "une bonne nouvelle pour la famille Haradinaj et le Kosovo". "Une fois de plus il est démontré que les calomnies des services secrets serbes contre l'Armée de libération du Kosovo sont irrecevables et que le monde démocratique ne peut les prendre en compte", a-t-il réagi dans un communiqué. "EXCEPTIONNELLE GRAVITÉ" A Colmar, la décision a été saluée par les applaudissements de la cinquantaine de ses partisans qui avaient pris place dans la salle d’audience tandis qu’un groupe au moins aussi nombreux était présent pour le soutenir à l’extérieur. L'ancien commandant de l'Armée de libération du Kosovo (UCK), qui fut Premier ministre en 2004-2005 de l'ancienne région serbe devenue indépendante, fait l’objet d’un mandat d’arrêt international lancé en 2004 par la Serbie qui veut le juger pour crimes de guerre. Il est accusé d'avoir ordonné ou commis des assassinats, des viols ainsi que des actes de torture et de barbarie sur des civils serbes, albanais et roms. Les faits auraient été notamment commis dans la ville de Djakovica, à la fin de la guerre du Kosovo, en juin 1999, alors que les troupes serbes s’étaient retirées du territoire sans que les forces de l’Onu, qui devaient en prendre le contrôle, y soient encore opérationnelles. Dans son arrêt, la chambre de l’instruction de la Cour d’appel de Colmar rejette tous les obstacles juridiques soulevés par la défense de l’ancien Premier ministre. Elle relève notamment que les deux acquittements dont il a bénéficié devant le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY) ne portaient pas sur les mêmes faits. Elle fait droit, en revanche, à l’objection selon laquelle sa remise aux autorités serbes pourrait avoir des conséquences d’une "exceptionnelle gravité", soulignant la "très forte popularité" du Kosovar et le "rôle important" qu’il a joué dans la vie politique du Kosovo. "Il y a des raisons sérieuses de croire que la remise de Ramush Haradinaj serait de nature à entraîner des conséquences d’une gravité exceptionnelle pour sa personne, pour des considérations liées, notamment, à son rôle dans le conflit armé et dans la vie politique du Kosovo ainsi qu’à son statut de ressortissant d’un Etat non reconnu par l’Etat requérant", conclut-elle. (avec Aleksandar Vasovic à Belgrade; édité par Yves Clarisse et Henri-Pierre André)