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La guerre entre Bannon et McMaster agite la Maison blanche

par John Walcott et Jeff Mason WASHINGTON/NEW YORK (Reuters) - Depuis des mois, le conseiller à la sécurité nationale de Donald Trump, le général H.R. McMaster, et son conseiller spécial Steve Bannon se livrent une guerre d'influence dont la violence menace de déstabiliser le fonctionnement d'une administration déjà en proie aux soubresauts et aux défections. McMaster, officier respecté pour ses états de service et connu pour son franc-parler, a été nommé le 20 février en remplacement de Michael Flynn, poussé à la démission pour avoir menti sur ses relations avec des officiels russes dans le cadre de l'enquête sur l'ingérence présumée de Moscou dans l'élection présidentielle américaine. Steve Bannon, éminence grise du milliardaire, fondateur du site Breitbart News et théoricien politique de l'"alt right", la droite extrême, s'est souvent trouvé en porte à faux au sein de l'équipe Trump mais a pour l'instant réussi à conserver sa place dans l'antichambre présidentielle. Le contentieux entre les deux hommes a atteint un tel niveau d'animosité qu'il affecte le travail des conseillers de la Maison blanche, expliquent trois hauts responsables américains. Les républicains modérés font pression pour que Donald Trump se débarrasse de celui qu'ils considèrent comme son mauvais génie mais l'homme d'affaires tergiverse. "Nous verrons ce que nous ferons avec M. Bannon", a-t-il répondu lors d'une intervention devant la presse à la Trump Tower, mardi. Qu'il s'agisse de l'accord sur le nucléaire iranien, du déploiement de troupes en Afghanistan ou simplement des nominations au sein de l'exécutif, tout est prétexte à frictions entre McMaster et Bannon. "Il est évident que le président est très nerveux et a peur de limoger" Bannon, reconnaît une source proche de la présidence américaine interrogée par Reuters. Une option serait que ce dernier voit le périmètre de ses attributions réduit mais qu'il demeure au sein de l'équipe des conseillers. La crainte de Trump semble tenir au pouvoir de nuisance de Bannon si celui-ci était éjecté du premier cercle de la présidence. Les observateurs rappellent que Bannon a déjà survécu, moyennant quelques remontrances, à un contentieux qui l'opposait à Jared Kushner, le gendre de Trump, que le milliardaire a bombardé conseiller particulier. La confrontation entre Bannon et McMaster s'est exacerbée lorsque Breitbart News et d'autres groupes d'extrême droite se sont mis à mener une campagne de dénigrement contre l'officier, expliquent deux autres sources proches du général. PLUSIEURS OPTIONS Des articles parus sur le site de l'"alt right" demandaient son départ en raison de son manque de soutien à Israël et parce qu'il aurait nommé des membres de l'administration Obama au Conseil national de sécurité (CNS). L'Organisation sioniste d'Amérique (OSA), association pro-israélienne proche de Bannon, est apparue comme l'une des voix les plus critiques à l'égard de McMaster réclamant qu'il soit déchargé de tous les dossiers impliquant l'Iran et l'Etat hébreu. "McMaster ne dit pas que Bannon est le cerveau de cette campagne mais il pense vraiment qu'il aurait pu y mettre fin s'il l'avait voulu", précise une source. Renouvelant les équipes du CNS, le général a notamment congédié quatre hauts fonctionnaires connus pour leur proximité avec le théoricien politique. Trump est informé de cette querelle, ajoute une source sans préciser si McMaster a pris lui-même la liberté de lui en parler ou si cela a été fait par le truchement du général John Kelly, secrétaire général de la présidence et ami du conseiller à la sécurité. Interrogés l'un et l'autre sur ce conflit larvé, McMaster et Bannon ont refusé de s'exprimer. Dans ce contexte, deux autres options s'offrent à Trump. La première serait d'assigner à McMaster un rôle plus explicitement militaire et lui trouver une position en dehors de la Maison blanche, et la deuxième serait de maintenir la situation en l'état en exigeant une trêve entre les deux rivaux. Bannon, qui se pose en porte-parole de la base nationaliste, isolationniste et ultra-conservatrice de l'électorat de Donald Trump, soutient par exemple l'abandon ou la renégociation des traités commerciaux liant les Etats-Unis et dénonce les soutiens de McMaster comme des "mondialistes". Pour l'instant, le général dispose du soutien apparent de Trump qui l'a qualifié "d'homme bien et pro-israélien". (Pierre Sérisier pour le service français, édité par Tangi Salaün)