La guerre d'usure du régime syrien fait sentir ses effets

par Tom Perry et Suleiman Al-Khalidi BEYROUTH (Reuters) - Les frappes aériennes que la Russie mène depuis le 30 septembre en Syrie n'ont pas radicalement changé la donne dans ce conflit qui approche de sa cinquième année même si elles ont mis les rebelles sur la défensive et permis au régime de Damas de récupérer certains territoires dans l'ouest du pays. L'intense pilonnage des avions russes, principalement dans la partie occidentale de la Syrie dont le contrôle est crucial pour le clan Assad, a fait 3.000 morts, dont 900 membres de l'Etat islamique (EI), selon un décompte établi par l'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH). Les opposants au gouvernement, qui se sont réunis en un conseil chargé de les représenter lors de pourparlers de paix qui devraient débuter lundi à Genève, reconnaissent que l'usure se fait sentir sur les lignes de front. "La plupart des zones tenues par l'opposition sont sur la défensive en raison de la forte mobilisation des troupes russes et de l'utilisation d'une importante flotte d'avions avec des quantités de munitions illimitées", a commenté Djamil al Saleh, commandant d'une unité de l'Armée syrienne libre (ASL). Tout en minimisant les conquêtes accomplies par les troupes gouvernementales dans l'Ouest syrien, Saleh reconnaît que l'assistance militaire fournie par les pays étrangers soutenant la rébellion, tels que l'Arabie saoudite, n'est pas suffisante pour faire face aux offensives de l'armée régulière épaulée par les Iraniens. Les Saoudiens rechignent pour le moment à livrer aux rebelles des armes tactiques comme des missiles antiaériens pour assurer leur défense, craignant que ces équipements tombent entre les mains de groupes islamistes. La prise de la ville de Salma dans la province de Lattaquié a confirmé que l'élan militaire était du côté des forces loyalistes tandis que les rebelles étaient contraints de reculer. COUPER L'APPROVISIONNEMENT VENANT DE TURQUIE Le régime Assad n'ayant jamais montré de dispositions particulières pour la négociation, même lorsqu'il était dans une position vulnérable, ne devrait pas changer de stratégie au moment où il est en passe de reprendre l'initiative, explique Noah Bonsey, analyste chez International Crisis Group. Mais, estime-t-il, l'usure se fait sentir dans les deux camps et les rebelles rappellent que malgré les récentes avancées de l'armée syrienne, celle-ci fait toujours face à un problème d'effectif et dépend très largement des soutiens russe et iranien. La nouvelle priorité du gouvernement syrien et de ses alliés est de progresser dans le nord-ouest de la Syrie en direction de la frontière turque afin de couper les voies de ravitaillement de la rébellion, estime un commandant du groupe Ahrar al Cham "Ils essaient d'isoler les Syriens à l'intérieur et de les couper de la frontière turque", explique l'officier. "Ils ne se préoccupent pas des zones situées plus à l'intérieur de la Syrie, comme Hama ou autres", ajoute-t-il. Engagés au nord-ouest, les forces syriennes se sont également lancées, pour la première fois depuis l'entrée de la Russie dans le conflit, dans une offensive dans le sud visant la ville de Cheikh al Maskin près de la frontière avec la Jordanie. Sur ce front, la situation est plus mouvante, explique Abou Ghiath al Chami, membre du Front du Sud, alliance d'insurgés qui fait partie du conseil de l'opposition. "Je vous promets que dans la période à venir vous allez assister à quelque chose de différent qui surprendra tout le monde en termes d'action militaire", affirme-t-il. PROGRÈS FACE À L'EI Selon un diplomate occidental, le gouvernement syrien souhaite affaiblir le Front du Sud avant d'entamer une quelconque négociation. "Je suis surpris que, compte tenu du nombre de frappes et du nombre de forces du régime, y compris le Hezbollah (libanais) et les bombardements aériens russes, la ville ne soit pas tombée", a dit ce diplomate. Dans le centre et l'est de la Syrie, les progrès sont aussi perceptibles dans la lutte contre l'Etat islamique qui doit faire face aux opérations aériennes américaines et aux combattants kurdes au sol. Les troupes gouvernementales sont à quelques kilomètres d'Al Bab dans la province d'Alep. Mais l'EI, qui voit baisser ses revenus tirés du pétrole en raison de la chute des cours et d'une lutte renforcée contre le trafic dans la région frontalière de la Turquie, répond à la pression comme il le fait toujours: en ouvrant de nouveaux fronts. Les djihadistes ont tué cette semaine de nombreux combattants loyalistes lors d'une attaque dans les environs de Daïr az Zour, l'un des derniers bastions tenus par le gouvernement dans la partie orientale. (Pierre Sérisier pour le service français)