La guerre contre l'Etat islamique se déroule aussi sur internet

Les pirates informatiques sont de plus en plus nombreux à livrer bataille aux sympathisants du groupe djihadiste Etat islamique (EI) qui cherchent à diffuser leur propagande et à recruter sur les réseaux sociaux. /Photo d'archives/REUTERS/Régis Duvignau

SAN FRANCISCO (Reuters) - Les pirates informatiques sont de plus en plus nombreux à livrer bataille aux sympathisants du groupe djihadiste Etat islamique (EI) qui cherchent à diffuser leur propagande et à recruter sur les réseaux sociaux. Le collectif de "hackers" des Anonymous a été le dernier en date à promettre une riposte à l'EI après les attentats qui ont fait 129 morts à Paris vendredi dernier, ses membres affirmant avoir déjà fait fermer des milliers de comptes djihadistes sur Twitter. Mais d'autres disent agir depuis longtemps en secret contre le cyberactivisme de l'EI et avoir fait fermer des dizaines de milliers de comptes tout en collectant des informations sur les réseaux de recrutement en se faisant passer pour des candidats au djihad. "Nous agissons comme un service de renseignement", résume le directeur de Ghost Security Group ("Groupe de sécurité fantôme"), qui préfère rester anonyme pour des raisons de sécurité. Son organisation de volontaires transmet, dit-il, des informations sur les activités des djihadistes au FBI et à d'autres agences gouvernementales américaines. Les services de renseignement "apprécient cette aide extérieure", assure Michael Smith, un conseiller en terrorisme auprès du Congrès américain, qui joue les intermédiaires entre les pirates informatiques - dont les activités sont illégales quel que soit leur objectif - et les agences de sécurité. Selon Michael Smith, des informations collectées par Ghost Security ont par exemple permis de déjouer un attentat en Tunisie en juin dernier. DES RÉSEAUX SOCIAUX PLUS RÉACTIFS Le FBI n'a souhaité faire aucun commentaire mais le général David Petraeus, ancien architecte de la contre-insurrection en Irak et en Afghanistan, a récemment salué cette contribution dans un entretien accordé au magazine Foreign Policy. Interrogé sur le caractère illégal de ces activités, le général Michael Hayden, ancien patron de la NSA (National Security Agency) et de la CIA, ne dit pas autre chose: "Officiellement, non (nous n'y sommes pas favorables). Mais les lois américaines sont si contraignantes que je suis sûr que le gouvernement est secrètement satisfait, comme je le suis." La démarche la plus facile à entreprendre pour les hackers est de contacter directement Twitter, Facebook ou YouTube pour dénoncer les comptes ou les contenus soutenant le terrorisme. Les trois sociétés sont beaucoup plus réactives depuis environ un an, notent les cyberactivistes, même si elles refusent de s'exprimer publiquement sur la question. Facebook interdit désormais toute apologie du terrorisme, YouTube supprime en quelques heures les vidéos de violence et les comptes djihadistes n'ont pratiquement plus droit de cité sur Twitter, souligne Ghost Security. "De plus en plus de comptes sont fermés", constate J.M. Berger, un spécialiste de l'EI à la Brookings Institution. "Je pense que la plupart des signalements sont faits par des groupes comme les Anonymous ou Ghost Security. Mais il y en a d'autres." S'il n'y a pratiquement plus de propagande djihadiste sur Twitter, les sympathisants de l'EI ont de la ressource et utilisent désormais davantage l'application de messagerie Telegram, souligne J.M. Berger et d'autres spécialistes de la cybersécurité. (Tangi Salaün pour le service français)