La Grèce, isolée, réaffirme ne plus vouloir d'aide

par Jan Strupczewski BRUXELLES (Reuters) - Le nouveau gouvernement grec, isolé lors de sa première réunion à haut niveau de la zone euro et mis sous pression par la Banque centrale européenne (BCE), a réaffirmé vendredi qu'il ne voulait plus d'aide conditionnée de la part de l'Union européenne et du Fonds monétaire international (FMI). Un responsable gouvernemental grec a précisé que la Grèce souhaitait simplement un "accord relais" avec ses créanciers, lui permettant de continuer à se financer jusqu'à ce qu'Athènes soit en mesure de présenter son programme de désendettement, mais "pas une nouvelle aide, avec des conditions, des inspecteurs, etc." Ce dernier a ainsi réaffirmé la position du gouvernement grec alors que Jeroen Dijsselbloem, président de l'Eurogroupe, a dramatisé les enjeux en disant qu'Athènes avait jusqu'au 16 février pour demander un prolongement de son programme d'aide, faute de quoi le soutien financier de la zone euro n'était plus assuré. De leur côté, les agences de notation Standard & Poor's et Moody's ont enfoncé le clou. La première a abaissé sa note et la seconde placé la sienne sous surveillance en vue d'un abaissement au nom des incertitudes entourant l'issue des négociations entre la Grèce et ses créanciers. Jeudi soir, une réunion préparatoire de hauts responsables de la zone euro n'avait permis aucune avancée car les positions d'Athènes et celles des autres pays étaient visiblement irréconciliables. La tension était déjà montée d'un cran mercredi soir avec la décision de la Banque centrale européenne de cesser, à compter du 11 février, d'accepter les obligations d'Etat grecques comme garantie pour ses opérations de refinancement. Cette mesure, qui revient à priver les banques grecques d'accès aux guichets de la BCE, les rend dépendantes de la "fourniture de liquidité d'urgence" (ELA), une procédure exceptionnelle reposant sur la banque centrale nationale grecque et à laquelle la BCE garde le droit de mettre fin si elle juge qu'aucun compromis ne peut être trouvé entre la Grèce et le reste de la zone euro. "LE TEMPS VA MANQUER" La Grèce aura l'occasion de défendre ses positions lors d'une réunion exceptionnelle des ministres des Finances de la région mercredi. L'Eurogroupe débattra à cette occasion du soutien financier à Athènes, à la veille du Conseil européen, la réunion des chefs d'Etat et de gouvernement de l'ensemble de l'UE, à Bruxelles. Yanis Varoufakis, le ministre des Finances du gouvernement dirigé par Alexis Tsipras, pourra ainsi s'expliquer sur ses projets de réforme et de gestion des finances publiques, censés être mis en oeuvre dans le respect des engagements pris par les cabinets précédents. "Nous entendrons mercredi de la part du nouveau gouvernement quelles sont ses ambitions, comment il veut aller de l'avant avec le programme en cours", a dit Jeroen Dijsselbloem, à l'occasion d'un sommet organisé par Reuters. le président de l'Eurogroupe, l'instance qui réunit les ministres des Finances de la zone euro, a ajouté que la fixation du 16 février comme date butoir s'expliquait par le fait que certain pays de la zone euro auront besoin du feu vert de leur parlement pour approuver, le cas échéant, un prolongement d'une demande d'aide. "Quand nous avions fixé la date du 16 février (...) nous avions pris cela en compte. Le temps va sérieusement manquer si (la Grèce) ne demande pas un prolongement (d'ici là)", a poursuivi Jeroen Dijsselbloem. En l'état actuel des choses, le programme d'aide à la Grèce expire le 28 février. Sans ce dispositif, le pays ne bénéficiera plus d'assistance financière du FMI et de la zone euro. Et l'espoir qu'il puisse se financer seul sur les marchés est mince. Certains observateurs estiment que la Grèce pourrait se trouver à court de liquidités dans quelques semaines si elle ne parvient pas d'ici-là à s'assurer une assistance supplémentaire. NOUVELLE BAISSE DE LA BOURSE Face à Athènes, la position allemande opposée à toute remise en cause des réformes et des engagements des dernières années semble donc l'emporter très largement au sein de l'Eurogroupe. "Les discussions d'hier soir n'ont débouché sur aucun relevé de conclusions. Il appartient au gouvernement grec de nous dire ce qu'il veut faire", a dit un responsable de la zone euro vendredi. "C'était la Grèce contre tous les autres, un contre 18 pour faire simple", a déclaré un responsable pour donner le ton des débats. La Grèce est libre d'élaborer ses propres projets dans la ligne fixée par le programme électoral de Syriza, le parti de Tsipras vainqueur des élections législatives anticipées du 25 janvier, tant qu'ils ne remettent pas en cause l'assainissement des finances publiques, le remboursement de la dette et les réformes structurelles, a-t-il ajouté. "La ligne politique globale peut refléter les priorités de Syriza mais il faut qu'elle ait un sens, financièrement parlant", a dit un autre responsable. Confirmant l'écart qui sépare Athènes de ses interlocuteurs, une source gouvernementale grecque a déclaré que Yanis Varoufakis s'attendait à être accueilli fraîchement par ses partenaires de l'Eurogroupe mais qu'il n'accepterait aucun accord de cette instance qui avaliserait une prolongation du programme d'aide actuel au-delà de l'échéance du 28 février. Dans un premier temps, Athènes va demander à ses partenaires de la zone euro de lui permettre d'émettre davantage de titres de dette à court terme pour pouvoir couvrir tout besoin supplémentaire, a dit le responsable grec déjà cité. Le gouvernement va également demander à ce que lui soient versés les bénéfices réalisés par la BCE et les banques centrales de la zone euro, de l'ordre de 1,9 milliard d'euros, sur les obligations grecques détenues. La Bourse d'Athènes a terminé en baisse de 1,97% vendredi, portant à plus de 5% le recul sur les deux dernières séances, celles venues après la décision de la BCE concernant les obligations grecques. Sur la semaine, elle a toutefois gagné 11,3%, effaçant en partie le repli de plus 14% accusé dans la semaine qui a suivi la victoire de Syriza aux élections. (Avec John O'Donnell à Francfort, Lefteris Papadimas à Athènes, Michael Nienaber et Matthias Sobolewski à Berlin; Patrick Vignal et Marc Angrand pour le service français, édité par Benoît Van Overstraeten)