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La France visée par un nouvel attentat, un homme décapité

par Catherine Lagrange SAINT-QUENTIN FALLAVIER, Isère (Reuters) - Six mois après les attentats meurtriers de Paris, un homme a tenté vendredi de faire sauter une entreprise classée Seveso, près de Lyon, et décapité le patron de l'entreprise de transport qui l'employait, laissant des écrits islamiques sur les lieux. Un suspect, un homme de 35 ans lié à la mouvance salafiste et fiché en 2006 pour "radicalisation", a été arrêté après avoir été neutralisé par un pompier sur les lieux de l'attentat, la société Air Products, fournisseur de gaz et produits chimiques située à Saint-Quentin Fallavier (Isère). "L'intention ne fait pas de doute, c'était de provoquer une explosion", a dit François Hollande à l'issue d'un conseil restreint convoqué à l'Elysée. Le procureur de Paris François Molins a présenté vendredi soir à la presse le scénario de cette attaque, tel que les enquêteurs ont pu le reconstituer grâce aux caméras de surveillance de l'usine située dans une zone industrielle. Yassin Sahli, un chauffeur-liveur 35 ans, sonne à 9h28 au portail de l'entreprise. Le réceptionniste, qui a l'habitude de voir le chauffeur ou son patron au volant de la camionnette de livraison, le laisse entrer, a-t-il expliqué. Le véhicule longe l'usine jusqu'au bout de l'allée, accélère pour se précipiter vers un hangar couvert, où une forte explosion a lieu à 9h36, sans faire de blessé "au sens strict". Une partie du hangar est soufflée et l'arrière de la camionnette est quasiment détruit mais l'habitacle est relativement préservé, a dit François Molins. L'homme se précipite alors vers le hangar ouvert, où il ouvre des bouteilles d'acétone avant d'être maîtrisé à 10h00 par les pompiers appelés en raison de l'explosion. UN TÊTE ACCROCHÉE AU GRILLAGE A l'aplomb de la camionnette, les enquêteurs trouvent le corps sans tête d'un homme de 54 ans, le patron de Yassin Sahli qui travaille pour lui depuis trois mois, ainsi qu'un couteau. La tête de la victime est accrochée au grillage, entourée par deux drapeaux où figure la "chahada", la profession de foi musulmane qui dit : "Il n'y a de Dieu qu'Allah et Mohamed est son prophète." Yassin Sahli a refusé de donner son nom aux enquêteurs mais les employés de l'entreprise l'ont reconnu. "Les investigations ne font que débuter", a dit François Molins lors de sa conférence de presse. Quatre personnes, dont le suspect qui réside depuis six mois à Saint-Priest, dans la région lyonnaise, ont été placés en garde à vue : sa soeur, son épouse et un homme. Yassin Sahli, qui a été légèrement blessé et a été placé en garde à vue dans un hôpital de Lyon, n'avait pas de casier judiciaire, contrairement aux auteurs des attentats de janvier qui ont fait 17 morts, et son portrait est mitigé. Mais il avait fait l'objet d'un signalement en raison de sa radicalisation en 2006 qui n'a pas été renouvelé en 2008. "Il n'était pas connu pour être en lien avec des acteurs terroristes", a dit le ministre de l'Intérieur, Bernard Cazeneuve. L'attentat, survenu le même jour que deux attaques meurtrières au Koweït et en Tunisie, n'a pas été revendiqué à ce stade, mais la mise en scène macabre rappelle les méthodes de l'Etat islamique (EI). UN PDG D'ORIGINE IRANIENNE La plateforme industrielle et logistique de Saint-Quentin Fallavier, qui compte plus de deux millions de mètres carrés d'entrepôts, est l'une des plus grandes d'Europe. Elle se situe au croisement de plusieurs autoroutes, non loin de l'aéroport et de la gare TGV de Lyon. Elle abrite plusieurs sites classés Seveso, c'est-à-dire des sites "à risque" où sont stockées et/ou utilisées des matières dangereuses. François Hollande a déclaré que la sécurité avait été renforcée autour de ces installations "pour éviter tout drame supplémentaire et prévenir toute action". Le plan Vigipirate a été porté à son niveau maximal - "alerte attentats" - pour trois jours en Rhône-Alpes. "La nature de l'activité de l'entreprise n'est peut-être pas étrangère au choix de la cible", a estimé le préfet de l'Isère, Jean-Paul Bonnetain. Air Products est dirigé depuis 2014 par un Iranien d'origine naturalisé citoyen américain, Seifi Ghasemi. L'Iran chiite est en pointe dans le combat contre les forces sunnites de l'Etat islamique (EI), un mouvement sunnite. Le parquet antiterroriste a ouvert une enquête pour "assassinat et tentatives d’assassinats en bande organisée et en relation avec une entreprise terroriste", notamment. Quelque 1.750 Français ou résidents en France sont impliqués dans des filières de départ vers la Syrie ou l'Irak, contre 555 en janvier 2014. Cent treize Français sont morts dans la région. Le fait que Yassin Sahli ait été fiché dans le passé mais qu'il n'était plus surveillé risque d'allumer une polémique sur les mesures qui auraient pu être prise contre lui. Après les attentats de janvier, il était apparu que les frères Chérif et Saïd Kouachi, ainsi qu'Amedy Coulibaly, abattus les armes à la main après avoir tué 17 personnes, étaient connus depuis de nombreuses années des services de renseignement français et américains. (avec Service France, édité par Sophie Louet)