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La France condamnée à l'Onu pour l'interdiction du voile intégral

Le Comité des droits de l'Homme de l'Onu juge que la France a porté atteinte aux droits de deux femmes musulmanes verbalisées pour le port du voile intégral, ou niqab. /Photo d'archives/REUTERS/Leonhard Foeger

GENÈVE (Reuters) - Le Comité des droits de l'Homme de l'Onu juge que la France a porté atteinte aux droits de deux femmes musulmanes verbalisées pour le port du voile intégral, ou niqab.

Pour le Comité, dont l'avis a été publié mardi dans un communiqué, l’interdiction généralisée du niqab est "une mesure trop radicale", même si "les Etats peuvent exiger des individus qu’ils découvrent leur visage dans des circonstances spécifiques dans le cadre de contrôles d’identité".

Le ministère français des Affaires étrangères a répliqué que la loi de 2010 interdisait de cacher son visage dans l'espace public parce qu'un tel comportement était "incompatible avec le principe de fraternité et le socle minimal des valeurs d'une société démocratique et ouverte".

Le porte-parole du Quai d'Orsay a cependant rappelé que toute personne est libre, en France, "de porter dans l'espace public un vêtement destiné à exprimer une conviction religieuse, à la condition qu'il laisse apparaître le visage".

Il a aussi rappelé que le Conseil constitutionnel avait jugé cette loi conforme à la Constitution et que la Cour européenne des droits de l'Homme avait elle-même estimé le 1er juillet 2014 qu'elle ne portait atteinte "ni à la liberté de conscience, ni à la liberté de religion" et n'était pas discriminatoire.

"La France souligne donc la pleine légitimité d'une loi dont l'objectif est de garantir les conditions du vivre-ensemble nécessaire au plein exercice des droits civils et politiques", a ajouté le porte-parole lors d'un point de presse. "Elle fera valoir ses vues dans le rapport de suivi qu'elle transmettra au Comité des droits de l'Homme des Nations unies."

Le Comité des droits de l'homme de l'Onu avait été saisi en 2016 de deux plaintes émanant de Françaises condamnées quatre ans plus tôt "pour avoir porté en public des vêtements qui avaient vocation à couvrir tout leur corps, y compris leur visage" en violation d'une loi votée en 2010.

"Le Comité a été d’avis que l’interdiction générale à caractère pénal que la loi française impose à ceux qui portent le niqab en public a porté atteinte de manière disproportionnée au droit des deux plaignantes de librement manifester leur religion", lit-on dans son communiqué.

Il juge de plus que "la France n’a pas suffisamment expliqué en quoi l’interdiction du port de ce vêtement était nécessaire" et dit ne pas avoir "été convaincu par les arguments avancés par la France, selon lesquels l’interdiction de dissimuler le visage était nécessaire et proportionnée pour des raisons de sécurité et visait à assurer le respect du principe du 'vivre-ensemble' dans la société."

Le Comité a également conclu que "l’interdiction ne permettrait pas de protéger les femmes portant le voile intégral mais aurait l’effet contraire de les marginaliser en les confinant chez elles en leur fermant l’accès aux services publics".

Cité dans le communiqué, le président du Comité, l'Israélien Yuval Shany, a déclaré que “ces décisions ne portent pas atteinte au principe de laïcité et ne visent pas à promouvoir une coutume, que nombreux au sein du Comité, y compris moi-même, considérons comme une forme d’oppression contre les femmes".

Selon lui, "une interdiction généralisée à caractère pénal ne permet pas d’assurer un équilibre raisonnable entre l’intérêt général et les libertés individuelles".

Les avis du Comité des droits de l'homme de l'ONU, qui réunit 18 experts indépendants, n'ont aucun caractère contraignant.

Mais il dit attendre de la France qu’elle lui envoie un "rapport de suivi" dans un délai de 180 jours "sur les mesures prises pour mettre en œuvre la décision du Comité qui demande, entre autres, la compensation des plaignantes et la prise de mesures visant à éviter que des cas similaires se reproduisent à l’avenir, y compris en révisant la loi incriminée."

(Yann Le Guernigou et Emmanuel Jarry à Paris, édité par Yves Clarisse)