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Suspension temporaire des négociations sur le nucléaire iranien

par Louis Charbonneau et Parisa Hafezi LAUSANNE, Suisse (Reuters) - Les négociations de Lausanne sur le programme nucléaire iranien ont été interrompues vendredi pour quelques jours, la délégation de la république islamique ayant regagné Téhéran, un délai que les Occidentaux vont mettre à profit pour de nouvelles consultations. Selon un responsable iranien, cette pause est liée au décès, annoncé dans la matinée, de la mère du président iranien Hassan Rohani, qui était âgée de 90 ans. Le vice-ministre iranien des Affaires étrangères, Abbas Araqchi, a précisé que les négociations reprendraient mercredi, rapporte l'agence de presse Isna. D'ici là, les puissances occidentales impliquées dans la recherche d'un accord sur le programme nucléaire iranien vont poursuivre leurs discussions. Le secrétaire d'Etat américain, John Kerry, doit rencontrer samedi ses homologues français, allemand et britannique, a annoncé sa porte-parole, Marie Harf. Ces discussions auront lieu à Londres, a précisé le département d'Etat. John Kerry a déjà consulté des responsables chinois et russe, a-t-il dit. "On a un peu plus de temps que prévu pour avancer", a déclaré pour sa part François Hollande lors de sa conférence de presse en clôture du sommet européen de Bruxelles. Le président français a ajouté qu'il devait s'entretenir dans l'après-midi avec Barack Obama. La question iranienne sera à l'ordre du jour de leur discussion téléphonique. Téhéran et le groupe dit du P5+1, qui réunit les Etats-Unis, la Grande-Bretagne, la France, l'Allemagne, la Russie et la Chine, se sont fixé pour objectif de parvenir avant la fin du mois à un accord de principe sur l'encadrement du programme nucléaire iranien, en vue d'un règlement définitif du contentieux d'ici à la fin juin. Les négociations intensives qui se sont engagées lundi à Lausanne visent à trouver un compromis satisfaisant pour tous qui garantirait à la fois le droit de l'Iran aux usages civils de l'atome mais l'encadrerait aussi de restrictions destinées à empêcher qu'il se dote de la bombe atomique. "IL RESTE UN OU DEUX SUJETS CRITIQUES" Aucune avancée n'a été annoncée depuis le début de la semaine. D'après des sources proches du processus, le principal point de blocage réside dans la volonté de l'Iran de poursuivre sans limitations ses programmes de recherche et développement sur les centrifugeuses, des machines qui servent à purifier et enrichir l'uranium. Les Occidentaux voient d'un très mauvais oeil la possibilité que les Iraniens se dotent de centrifugeuses plus efficaces, qui réduiraient le "break-out time", le délai nécessaire pour constituer un stock de matière fissile (uranium hautement enrichi ou plutonium) suffisant pour fabriquer une bombe atomique - que L'Iran affirme ne pas chercher à produire. Le rythme et le processus de levée des sanctions imposées depuis 2006 par l'Onu, les Etats-Unis et les Européens constituent un autre point de friction. La durée d'application de l'accord, enfin, suscite des divisions. "Nous sommes arrivés à un stade tout à fait crucial dans ces discussions, il reste un ou deux sujets critiques et, pour les autres sujets, un ou deux points restent à régler", a déclaré à la presse le chef de la diplomatie iranienne, Mohammad Javad Zarif, à l'issue d'une nouvelle séance de discussions avec John Kerry. "Nous avons eu de bonnes discussions, quant à savoir si nous parviendrons à un résultat, il nous faut attendre". L'ATTITUDE DE LA FRANCE Dans la matinée, avant la reprise du sommet de Bruxelles, François Hollande, Angela Merkel et David Cameron avaient fait le point sur les avancées avec la porte-parole de la diplomatie européenne, Federica Mogherini. Le président français, la chancelière allemande, le Premier ministre britannique et la diplomate italienne se sont entretenus pendant une quarantaine de minutes. "La réunion d'aujourd'hui sur l'Iran a été utile pour consolider une ligne européenne", a-t-on confié de source diplomatique. De sources proches des discussions à Lausanne, on dit redouter que la France ne bloque un accord. Il y a seize mois, Paris avait différé de plusieurs jours la signature d'un accord intérimaire finalement conclu le 24 novembre 2013. La France, expliquait à l'époque le Quai d'Orsay, "souhaite un accord sérieux, qui suscite la confiance, apaise les tensions et s'inscrive dans l'objectif de la lutte contre la prolifération". Dans le cycle en cours des négociations engagées en 2003, Paris insisterait notamment pour que l'accord s'applique pour une durée d'au moins quinze ans - Barack Obama a évoqué cinq années de moins - et qu'il soit suivi de dix années supplémentaires de contrôle intensif par l'Onu des sites nucléaires iraniens. "Nous ne sommes pas proches d'un accord", indiquait jeudi un négociateur européen à Lausanne. (Avec John Irish à Lausanne, Elizabeth Pineau, Andreas Rinke et Francesco Guarascio à Bruxelles et Michael Schields à Vienne; Jean-Philippe Lefief et Henri-Pierre André pour le service français, édité par Jean-Stéphane Brosse)