Publicité

La droite conservatrice de retour à la présidence polonaise

par Wiktor Szary et Agnieszka Barteczko VARSOVIE (Reuters) - Le conservateur Andrzej Duda a été élu dimanche à la présidence de la Pologne en devançant nettement le chef de l'Etat sortant, Bronislaw Komorowski. Il a obtenu 51,55% des voix, contre 48,45% à son adversaire, selon les chiffres définitifs publiés lundi soir. La participation a été de 55,34%. La victoire d'Andrzej Duda, élu au Parlement européen âgé de 43 ans et ancien conseiller juridique de l'ex-président conservateur Lech Kaczynski, est la première pour le parti d'opposition Droit et justice (PiS) depuis une décennie. Même si la présidence est un poste largement honorifique, ce résultat envoie un sérieux avertissement au gouvernement d'Ewa Kopacz qui a succédé en septembre, mais sans passer par la case des élections, à Donald Tusk appelé au poste de président du Conseil européen. Des élections législatives sont prévues cet automne. Komorowski, qui avait été élu en juillet 2010, était soutenu par la Plate-forme civique (PO), la formation de droite libérale qui dirige la Pologne depuis 2007. Le scrutin était pourtant considéré il y a quinze jours encore comme une formalité pour le président sortant. Mais le premier tour, le 10 mai, avait déjà rebattu les cartes. Alors que les sondages donnaient Komorowski en tête avec 35 à 40% des intentions de vote, c'est Andrzej Duda qui avait viré en tête avec 34,7% des voix contre 33,8% pour son rival. EUROSCEPTICISME Sa victoire au second tour marque le retour à la présidence de la droite conservatrice et proche de l'Eglise catholique. Duda, qui sera investi le 6 août, n'a pas clairement exposé ce qu'il entendait mettre en oeuvre dans la cohabitation qui s'annonce, au moins pour quelques mois, mais il pourrait promouvoir une relation teintée de davantage de scepticisme avec les partenaires de Varsovie au sein de l'Union européenne, que la Pologne a intégrée en 2004. Il pourrait aussi tenter de bloquer plusieurs initiatives sociétales d'inspiration libérale, comme un projet de loi sur la fécondation in vitro. Lors du débat télévisé de l'entre-deux tours, il s'est engagé à réduire l'influence des banques étrangères en Pologne et à privilégier les intérêts nationaux dans ses relations avec l'Union européenne. "Ce ne sont pas les banques qui vont régner en Pologne", a-t-il dit lors de ce débat retransmis par la chaîne TVN, plaidant notamment pour un rachat graduel par les institutions financières polonaises des parts détenus par des investisseurs étrangers dans les entreprises du secteur bancaire. "La Pologne, avait-il également dit, devrait se concentrer sur ses propres intérêts. Et cela ne peut assurément pas être une politique qui accepterait toutes les restrictions liées au climat que les grands pays de l'UE, qui disposent de l'énergie nucléaire, veulent imposer. Notre industrie, elle, est basée sur le charbon, nous devons protéger nos valeurs." Sur le marché des changes, le zloty, la devise polonaise, qui avait baissé face à l'euro après l'annonce de la victoire de Duda, a effacé ses pertes lundi. La Bourse de Varsovie a perdu lundi 1,73%, Andrzej Duda apparaissant comme moins favorable aux marchés que son prédécesseur. "Je crois profondément que nous pouvons reconstruire notre communauté. Je suis convaincu que nous pouvons nous réunir, que nous pouvons améliorer notre pays", a dit Duda dimanche soir. OBJECTIF PARLEMENT Lors de la précédente présidentielle, en juillet 2010, quelques mois après la mort dans un accident d'avion du conservateur Lech Kaczynski, Komorowski l'avait emporté avec 53% des voix face au frère jumeau du président défunt, Jaroslaw Kaczynski. Le chef de l'Etat sortant n'a pas attendu les résultats officiels pour concéder dimanche soir sa défaite. "Je respecte votre choix", a-t-il dit. "Je souhaite à mon adversaire un mandat rempli de succès." Dans les institutions polonaises, le pouvoir est principalement concentré entre les mains du Premier ministre mais le président a un pouvoir d'initiative législative et de veto. Il commande également les forces armées et exerce une influence sur la politique étrangère. Depuis 2007, sous la direction de la Plate-forme civique, la Pologne a connu une période de croissance économique et d'augmentation des salaires. Mais nombre de Polonais estiment que les fruits de cette croissance sont inéquitablement répartis et déplorent un accroissement des inégalités. C'est sur cette division que Duda a construit son succès, exploitant aussi la campagne léthargique que Komorowski, trop confiant, a menée jusqu'au soir du premier tour. "De notre point de vue, cette élection nous permet de briser le plafond de verre. Elle ouvre la voie à une victoire nette aux élections législatives", a commenté le numéro deux du PiS, Adam Lipinski. Message reçu au sein du gouvernement. "Nous allons devoir nous poser des questions difficiles avant les prochaines élections", a estimé le ministre des Affaires étrangères, Grzegorz Schetyna. (avec Pawel Sobczak et Jakub Iglewski; Tangi Salaün, Henri-Pierre André et Guy Kerivel pour le service français)