Croissance en panne au Brésil avant le Mondial et les élections

La croissance de l'économie brésilienne a ralenti au premier trimestre, revenant à 0,2% par rapport aux trois mois précédents, selon l'institut national de la statistique IBGE. /Photo prise le 8 mai 2014/REUTERS/Paulo Whitaker

par Brian Winter et Silvio Cascione

SAO PAULO/BRASILIA (Reuters) - L'économie brésilienne a pratiquement stagné au premier trimestre, la hausse des dépenses publiques ne compensant pas le recul de la consommation et la chute de l'investissement, signes d'un malaise plus large illustré par la multiplication des grèves et manifestations à quelques mois de l'élection présidentielle.

La croissance du produit intérieur brut (PIB) a ralenti sur les trois premiers mois de l'année, revenant à 0,2% par rapport aux trois mois précédents, a annoncé vendredi l'institut national de la statistique IBGE.

Ce chiffre, conforme aux attentes des économistes interrogés par Reuters, est inférieur de moitié à la performance du quatrième trimestre 2013, elle-même révisée en baisse.

En rythme annuel, la croissance de la première économie d'Amérique latine ressort à 1,9% pour janvier-mars, précise l'IBGE, alors que les économistes attendaient un chiffre de 2,1%.

"Je n'ai rien pu trouver de positif dans toutes les (données)", a déclaré Bruno Rovai, économiste chez Barclays.

Comme d'autres économistes, il souligne que la chute de la confiance des chefs d'entreprise comme des consommateurs et la hausse des stocks risquent de peser sur l'activité jusqu'à la fin l'année et peut-être même au-delà.

Après une décennie de forte croissance grâce au boom des matières premières, l'économie brésilienne connaît un net ralentissement avec croissance d'à peine 2% en moyenne annuelle depuis l'arrivée au pouvoir de Dilma Rousseff en janvier 2011.

EFFET MONDIAL

Le chômage demeure toutefois proche de ses plus bas et la pauvreté continue de reculer tandis que de nombreux Brésiliens restent satisfaits de l'amélioration de leur sort au cours des dernières années.

Dilma Rousseff, qui briguera un second mandat en octobre, bénéficie d'ailleurs d'une confortable avance dans les sondages face à ses deux principaux rivaux.

De nombreux électeurs, en particulier au sein de la classe moyenne, se plaignent toutefois de l'état déplorable des services publics et d'une inflation qui, à 6% en rythme annuel, grignote leur pouvoir d'achat.

Confronté à un mouvement de contestation sociale endémique depuis l'été dernier, le gouvernement redoute que la Coupe du Monde de football, qui débutera le 12 juin pour un mois, n'exacerbe les tensions avec la montée des critiques sur le coût de la manifestation. Une préoccupation partagée par la Fédération internationale de football.

Le Mondial est pourtant censé donner un coup de fouet à l'économie avec l'arrivée attendue de 600.000 touristes étrangers pendant le tournoi.

Le gouvernement a dit s'attendre un ce que le Mondial augmente d'un demi-point de pourcentage la croissance du PIB cette année et permette de créer plus d'un million d'emplois.

Les économistes indépendants sont plus prudents et tablent sur une contribution d'environ 0,2 point de PIB. Ils n'anticipent pas une croissance supérieure à 1,6% en moyenne sur l'année et certains d'entre eux n'excluent pas de revoir leurs prévisions à la baisse après les chiffres du premier trimestre.

Les dépenses d'investissement ont reculé en janvier-mars pour le troisième trimestre consécutif, baissant de 2,1% par rapport au trimestre précédent. L'investissement ne représente désormais plus que 17,7% du PIB brésilien, l'un des ratios les plus faibles d'Amérique latine, ce qui explique le piètre état des infrastructures et des services publics.

La consommation des ménages s'est repliée de 0,1%, enregistrant sa première baisse sur un trimestre en trois ans.

L'activité dans l'industrie s'est contractée de 0,8% mais elle a progressé de 3,6% dans l'agriculture.

La dépense publique a progressé de 0,7% alors que les programmes sociaux du gouvernement continuent de soutenir la popularité de Dilma Rousseff.

Le dynamisme des dépenses publiques contribue à alimenter les pressions inflationnistes estiment toutefois certains économistes et la banque centrale brésilienne a dû remonter fortement ses taux directeurs en les portant à 11% pour tenter de juguler la hausse des prix.

(Rodigo Viga Gaier; Marc Angrand et Marc Joanny pour le service français)