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La crise ukrainienne discutée à Genève, Poutine va parler à Moscou

par Stéphanie Nebehay et Christian Lowe GENEVE/MOSCOU (Reuters) - Les ministres des Affaires étrangères d'Ukraine, de Russie, de l'Union européenne et des Etats-Unis se retrouvent ce jeudi à Genève, théâtre de nombreuses négociations pendant la guerre froide, mais les regards seront aussi tournés vers Moscou, où Vladimir Poutine doit s'adresser aux Russes. Alors que les troupes russes restent massées à la frontière orientale de l'Ukraine, l'issue de la crise semble avoir moins de chances de se jouer sur les bords du lac Léman que pendant la séance de questions-réponses à laquelle le président russe se livre chaque année avec ses compatriotes. Les autorités de Kiev ne parviennent à reprendre le contrôle des villes de l'est du pays où les séparatistes pro-russes leur ont infligé mercredi un camouflet symbolique en s'emparant de six véhicules blindés censés les en déloger. À son arrivée à Genève, le chef de la diplomatie ukrainienne Andrii Dechtchitsia a néanmoins jugé qu'il était encore temps de négocier pour faire baisser la tension. "Je pense qu'il est encore possible de parvenir à une désescalade par des moyens diplomatiques", a-t-il déclaré. "Et nous faisons tout notre possible, pas seulement l'Ukraine, mais aussi les États-Unis. Le temps n'est cependant plus à l'expression de l'inquiétude mais à la recherche d'une réponse plus concrète et adéquate aux projets et aux actes de la Russie." Kiev accuse Moscou de soutenir financièrement et militairement les séparatistes, comme elle l'a fait en Crimée jusqu'au référendum sur le rattachement de la péninsule à la Fédération russe. Des responsables américains ont prévenu que Washington imposerait de nouvelles sanctions à la Russie si aucun progrès n'est réalisé à Genève. Barack Obama a lui-même mis en garde Moscou contre les conséquences de son soutien aux séparatistes dans l'est de l'Ukraine. "Nous n'avons cessé de répéter qu'à chaque fois que la Russie prendrait des initiatives destinées à déstabiliser l'Ukraine et à violer sa souveraineté, il y aurait des conséquences", a dit le président américain dans une interview sur la chaîne CBS. POUTINE INFLEXIBLE Vladimir Poutine s'est jusqu'à présent montré inflexible, niant toute implication de Moscou et accusant les autorités pro-occidentales de Kiev d'avoir aggravé la situation en envoyant l'armée dans l'est du pays. "La forte escalade du conflit place le pays, de fait, au bord de la guerre civile", a-t-il affirmé au cours d'une conversation téléphonique avec la chancelière allemande Angela Merkel. Comme cela avait déjà été le cas en Crimée, l'impuissance militaire du nouveau pouvoir ukrainien et les tergiversations des pays occidentaux sur l'attitude à adopter face à Moscou ont jusqu'à présent joué en faveur de Vladimir Poutine. Mercredi, la Commission européenne a présenté aux Vingt-Huit des documents décrivant l'impact potentiel de sanctions économiques et financières contre la Russie sur leurs propres économies, en particulier en matière d'énergie, de finance et de commerce. Plusieurs membres de l'Union européenne, notamment ceux qui dépendent fortement de Moscou pour leur approvisionnement en gaz, s'inquiètent de possibles représailles russes, ce dont doit tenir compte Bruxelles. "Nous ne pouvons pas nous retrouver dans une situation où des sanctions auraient pour résultat des représailles affectant un Etat-membre en particulier, ou deux ou trois Etats-membres. S'il doit y avoir des répercussions, il faut qu'elles soient partagées par tous", résume un diplomate européen. La question des sanctions européennes et américaines sera largement abordée par Vladimir Poutine pendant la séance de questions-réponses télévisée avec ses compatriotes, jeudi, a déclaré son porte-parole, Dmitri Peskov. Cet exercice auquel le président russe se livre depuis une dizaine d'années, pendant quatre heures en moyenne, est traditionnellement consacré à des préoccupations plus terre à terre, comme le mauvais état des logements, l'inefficacité des autorités municipales ou la hausse des prix. Mais Vladimir Poutine entend en profiter cette année pour souder un peu plus les Russes derrière sa politique, comme cela a été le cas après le rattachement de la Crimée. (Avec Arshad Mohammed et Catherine Koppel à Genève, Alexeï Anishchuk à Moscou et Jeff Mason à Washington; Tangi Salaün pour le service français)