Publicité

La crise des "Gilets jaunes" ouvre la boîte à fantasmes politiques

Remaniement ministériel, dissolution de l'Assemblée, voire démission d'Emmanuel Macron: l'affaiblissement de l'exécutif dans la crise des "Gilets jaunes" nourrit les ambitions d'une partie de l'opposition qui a senti l'odeur du sang. /Photo prise le 8 décembre 2018/REUTERS/Piroschka van de Wouw

PARIS (Reuters) - Remaniement ministériel, dissolution de l'Assemblée, voire démission d'Emmanuel Macron: l'affaiblissement de l'exécutif dans la crise des "Gilets jaunes" nourrit les ambitions d'une partie de l'opposition qui a senti l'odeur du sang.

Après trois semaines de tumulte et de destructions dans la rue, Emmanuel Macron doit trouver la parade pour apaiser un mouvement persistant, sans leader, aux revendications multiples émaillées de propos colériques voire haineux.

Le président "a en quelque sorte un fusil à un coup", a résumé l'ancien ministre centriste Hervé Morin après une réunion des forces politiques, économiques et sociales lundi à l'Elysée. "Derrière ça, il y a un sujet majeur qui est sa relation avec les Français - elle est terriblement altérée."

Le mandat d'Emmanuel Macron "est en jeu", a dramatisé le socialiste Julien Dray dimanche sur Radio J. "C'est quitte ou double", a renchéri sur TF1 l'ancien maire conservateur de Bordeaux Alain Juppé.

Soutenue par une majorité de Français, la contestation est encouragée par le Rassemblement national (RN) de Marine Le Pen, La France insoumise (LFI) de Jean-Luc Mélenchon et le parti Debout la France du souverainiste Nicolas Dupont-Aignan.

Les deux premiers réclament une dissolution de l'Assemblée nationale, voire, pour les Insoumis, une VIe République censée mieux prendre en compte les aspirations du peuple.

Pour Marine Le Pen, finaliste de la présidentielle face à Emmanuel Macron en 2017 mais dont le camp n'a fait élire qu'une poignée de députés, la dissolution de l'Assemblée et l'organisation d'un scrutin "à la proportionnelle" sont les seuls moyens de sortir "par le haut" de la crise actuelle, comme elle l'a récemment rappelé sur France 3.

MOTION DE CENSURE

Jean-Luc Mélenchon a lui aussi appelé de ses voeux ce week-end à Bordeaux une dissolution, seule réponse "raisonnable et tranquille" à une colère qui ne saurait selon lui attendre les élections européennes du 26 mai 2019 pour s'exprimer.

La semaine dernière à la tribune, l'élu de Marseille était allé jusqu'à anticiper le départ de Matignon d'Edouard Philippe.

"Votre discours, je l'ai entendu comme une sorte de bilan d'adieux", a-t-il lancé au Premier ministre qui venait de présenter un train de mesures en réponse aux "Gilets jaunes".

Jean-Luc Mélenchon a été le seul dirigeant d'envergure à ne pas appeler au calme avant les manifestations à haut risque de samedi dernier. Une attitude de "pyromane" fustigée par La République en marche.

Au PS, on préférait lundi attendre l'intervention d'Emmanuel Macron avant de s'associer ou non à la motion de censure souhaitée par les communistes et LFI.

Salué pour sa droiture au début du quinquennat, Edouard Philippe, disciple d'Alain Juppé, est désormais ciblé pour sa rigidité et sa manière "techno" de gérer la contestation.

Pour le remplacer à Matignon, le nom du ministre de l'Education nationale Jean-Michel Blanquer, commence à circuler. L'expérimenté Gérard Larcher, président (Les Républicains) du Sénat, s'est quant à lui érigé en garant de l'ordre républicain et d'une certaine solidité en ces temps troublés.

LR REFUSE TOUTE "POLITIQUE-FICTION"

Mais chez les Républicains, on se garde pour l'instant de toute "politique-fiction".

"Nous ne sommes pas là pour vous demander la démission ou le départ de qui que ce soit. Nous sommes respectueux des institutions et nous observons qu'aujourd'hui, le problème n'est pas Edouard Philippe mais Emmanuel Macron", déclarait lundi devant la presse un de ses porte-parole, Geoffroy Didier.

Malgré une prudence de façade, le camp de Laurent Wauquiez a forcément remarqué un écho du Parisien Dimanche indiquant que l'ex-président Nicolas Sarkozy, pourtant visé par plusieurs enquêtes judiciaires, se dit prêt à "revenir" si besoin.

Une posture de "dernier recours" également adoptée par le socialiste François Hollande, toujours dans le jeu politique malgré son renoncement, fin 2016, à briguer un second mandat au terme d'un quinquennat très chahuté.

Dans la cohue des dernières semaines, le nom de l'ancien chef d'état-major des Armées, le général Pierre de Villiers, qui a démissionné l'été 2017 sur un désaccord avec le président, a été érigé en exemple par certains contestataires.

Cet appel prouve que la contestation actuelle, de nature "autoritaire", n'a rien à voir avec celle de Mai-68, a commenté une figure de proue de l'époque, Daniel Cohn-Bendit.

"En 68, on se battait contre un général au pouvoir [Charles De Gaulle-NDLR]. Les Gilets jaunes aujourd'hui demandent un général au pouvoir", a déclaré sur France Inter l'ancien eurodéputé. "On n'est pas dans une période révolutionnaire, on est dans une période de tentation autoritaire".

(Elizabeth Pineau avec Simon Carraud, édité par Yves Clarisse)