La Cour suprême américaine examine la légalité du mariage gay

par Joan Biskupic WASHINGTON (Reuters) - La Cour suprême américaine, réunie mardi à Washington pour une audience consacrée à l'examen de la constitutionnalité du mariage homosexuel aux Etats-Unis, est apparue très divisée sur la question. Les neuf juges ont entendu pendant deux heures et demie les arguments des partisans et des adversaires du mariage gay sur les restrictions imposées dans les Etats du Michigan, du Kentucky, de l'Ohio et du Tennessee. Leur décision est attendue à la fin juin. Le juge Anthony Kennedy, dont le vote sera sans doute décisif pour faire pencher la balance, a poussé les deux camps dans leurs retranchements. A ce stade, il est difficile de savoir comment il votera, même s'il a par le passé pris plusieurs décisions favorables aux droits des homosexuels depuis 1996. Le juge Kennedy a évoqué le point de vue historique, en soulignant que pendant des siècles le mariage avait été réservé aux seuls couples de sexe opposé. "Cette définition nous accompagne depuis des millénaires. Il est à mon avis très difficile pour cette cour de dire que nous savons mieux", a déclaré le magistrat. A l'inverse, il a émis des doutes sur les raisons présentées par certains Etats pour interdire le mariage aux conjoints de même sexe. A un moment, Anthony Kennedy a même dit à l'avocat général John Bursch, qui soutenait l'interdiction émise par les Etats, que ses arguments "présupposaient que les couples de même sexe ne peuvent pas avoir un objectif noble" quand ils décident de convoler. FILES D'ATTENTE Trente-sept des 50 Etats américains ainsi que la capitale Washington (district de Columbia) autorisent le mariage gay, souvent à la suite de décisions de justice. Les décisions prises par la Cour suprême ces deux dernières années laissent augurer d'une décision favorable à la reconnaissance de la légalité de ce type d'union sur tout le territoire national, d'autant qu'une grande partie de l'opinion publique a basculé en faveur du mariage gay au cours de la dernière décennie. Les juges doivent déterminer si les garanties offertes par la Constitution américaine sur l'égalité devant la loi s'appliquent au mariage gay. Dans le cas contraire, ils devront dire si les Etats qui l'interdisent doivent reconnaître les unions prononcées dans d'autres Etats, en vertu du principe constitutionnel selon lequel chaque Etat doit respecter les actes des autres Etats. Des files d'attente se sont formées dès vendredi devant le bâtiment de la Cour suprême à Washington. Dans son dernier arrêt en date sur la question, en 2013, la Cour a jugé contraire à la Constitution, à une courte majorité de cinq voix contre quatre, une loi de 1996 sur l'octroi de prestations fédérales définissant le mariage comme l'union d'un homme et d'une femme. Anthony Kennedy avait alors voté avec les quatre juges libéraux de la Cour et déploré que la loi américaine ne mette pas le mariage homosexuel sur un pied d'égalité avec le mariage hétérosexuel. La décision ne tranchait pas explicitement la question de la constitutionnalité mais les juridictions inférieures l'ont interprétée dans ce sens et ont commencé à invalider dans certains Etats l'interdiction du mariage gay. Ces Etats ont fait appel mais la Cour suprême a refusé d'examiner leurs recours. L'audience de mardi est consacrée à une décision contraire de la Cour d'appel de Cincinnati qui a confirmé en novembre l'interdiction du mariage homosexuel dans l'Ohio, le Michigan, le Kentucky et le Tennessee. (Jean-Stéphane Brosse et Danielle Rouquié pour le service français)