La Chine prête à baisser encore ses taux pour éviter la déflation

A la Bourse de Shanghai. Les dirigeants du gouvernement chinois et de la banque centrale seraient prêts à abaisser encore les taux d'intérêt et à assouplir les règles de crédit de peur que la baisse des prix ne déclenche une vague de défauts de paiements, de faillites et de pertes d'emplois, /Photo prise le 17 novembre 2014/REUTERS/Carlos Barria

par Kevin Yao

PEKIN (Reuters) - Les dirigeants du gouvernement chinois et de la banque centrale sont prêts à abaisser encore les taux d'intérêt et à assouplir les règles de crédit de peur que la baisse des prix ne déclenche une vague de défauts de paiements, de faillites et de pertes d'emplois, si l'on en croit des sources prenant part aux décisions.

La décision inattendue de Pékin vendredi d'abaisser ses taux directeurs pour la première fois en plus de deux ans est signe d'un changement d'orientation des autorités chinoises, qui s'étaient contentées jusqu'à présent de mesures limitées de soutien à la croissance avant de décider finalement qu'une mesure radicale d'assouplissement monétaire était nécessaire pour stabiliser la deuxième économie mondiale.

La croissance chinoise a ralenti à 7,3% au troisième trimestre et les dirigeants politiques craignaient qu'elle ne passe sous la barre des 7% pour la première fois depuis la crise financière mondiale. Les prix à la production sont en baisse depuis près de trois ans, ce qui pèse sur l'activité industrielle, et les prix à la consommation sont faibles aussi.

"Les hauts dirigeants ont changé de point de vue", dit un économiste en vue d'un groupe de réflexion qui participe aux discussions en matière de politique intérieure.

L'économiste précise que la Banque populaire de Chine (PBoC) est désormais en faveur d'une politique globale de stimulation de la croissance et ouverte à d'autres baisses de taux, ainsi qu'à une réduction du ratio de réserves obligatoires qui restreint de fait le montant de capitaux disponibles pour financer les émissions de crédit.

La Chine a abaissé le ratio de réserves pour certaines banques cette année mais n'a pas annoncé de révision en baisse de ce ratio pour l'ensemble du secteur bancaire depuis mai 2012.

"De nouvelles réductions des taux d'intérêt devraient être en préparation car nous sommes entrés dans un cycle de baisse des taux, et des abaissements du ratio de réserves obligatoires sont également problables", précise l'économiste.

La décision de vendredi d'abaisser le taux de référence des prêts à un an, de 40 points de base à 5,6%, a également été provoquée par la crainte que les gouvernements locaux ne peinent à gérer le fardeau de leur dette, précisent les sources.

RÉSISTANCES BALAYÉES

Les dirigeants résistaient à l'idée d'abaisser les taux de crainte que cela n'alimente l'endettement et les bulles immobilières et n'affaiblisse leur capacité à mener des réformes, mais ces inquiétudes ont finalement été balayées par les signes de ralentissement de la croissance chinoise, dans un contexte de refroidissement du marché immobilier.

De nombreux économistes chinois appellent à une politique économique et monétaire plus radicale face aux derniers indicateurs en date qui montrent que la croissance s'essouffle encore au quatrième trimestre et que l'inflation baisse.

Le taux de croissance de l'économie chinoise sur l'ensemble de l'année devrait être inférieur à l'objectif de 7,5% fixé par le gouvernement et afficher son rythme le plus faible en 24 ans. Les groupes de réflexion, qui sont une force de propositions politiques, ont appelé Pékin à revoir en baisse son objectif de croissance pour 2015, probablement autour de 7%, contre environ 7,5% pour cette année.

Les dirigeants du pays doivent fixer les grandes lignes de leurs projets économiques et de réformes pour l'an prochain lors d'une réunion de travail en décembre et notamment fixer les objectifs, qui seront annoncés au Parlement en mars.

Selon certains responsables, la baisse des taux a également été influencée par le sommet du Groupe des 20, qui s'est accordé sur un renforcement de la croissance mondiale.

La Chine, qui accueillera le sommet du G20 en 2016, veut conserver son influence comme moteur de la croissance mondiale.

"La Chine veut jouer un rôle plus important au sein du G20 et doit maintenir un rythme de croissance relativement rapide", dit Zhao Xijun, économiste de renom à l'Université de Renmin

(Juliette Rouillon pour le service français)