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La BoJ pessimiste sur l'inflation, la sortie du QE compliquée

par Leika Kihara et Stanley White

TOKYO (Reuters) - La Banque du Japon (BoJ) a révisé vendredi à la baisse son estimation de l'inflation, fragilisant un peu plus son objectif de la ramener à 2% l'an et ne lui laissant guère de marge de manoeuvre pour élaborer un plan de sortie de son programme massif d'assouplissement monétaire (QE).

Après deux jours de réunion, la BoJ a décidé, comme cela était largement attendu, de maintenir son objectif de taux à court terme à -0,1% et celui des rendements obligataires à 10 ans aux alentours de 0%.

Ce statu quo contraste avec la décision de la Banque centrale européenne (BCE) de mettre un terme à la fin de cette année à ses achats nets d'actifs et avec la poursuite de la normalisation monétaire de la Réserve fédérale américaine, illustrée par une nouvelle hausse de taux directeurs mercredi.

"La hausse des prix à la consommation est comprise entre 0,5 et 1%", note la BoJ dans le communiqué accompagnant sa décision, une estimation un peu moins optimiste que lors de sa précédente réunion de politique monétaire, fin avril, où elle avait évalué l'inflation autour de 1%.

Son gouverneur Haruhiko Kuroda a admis que la croissance des prix demeurait "assez faible" en dépit d'une reprise économique solide. Il a justifié cette situation par des facteurs provisoires comme les hausses antérieures du yen qui ont déprimé les prix des biens durables, principalement composés de pièces importées.

"Un plus grand nombre d'entreprises, en particulier dans le secteur des services, répercutent la hausse des coûts à leurs clients. Les comportements de fixation des prix des entreprises semblent se modifier. L'économie maintient la dynamique permettant d'atteindre l'objectif de la BoJ d'une inflation à 2%", a déclaré Haruhiko Kuroda lors d'une conférence de presse à l'issue de la réunion de politique monétaire.

INQUIÉTUDE AU SEIN MÊME DE LA BOJ

La banque centrale continue de considérer que l'économie japonaise croît modérément malgré la contraction du premier trimestre, que de nombreux analystes ont attribuée à des facteurs exceptionnels comme les mauvaises conditions climatiques.

Elle a cependant aussi confirmé son évaluation prudente sur les perspectives de réalisation de son objectif d'une hausse des prix à 2% en soulignant le caractère mouvant des anticipations d'inflation.

La banque centrale a dit qu'elle allait continuer à acheter des obligations de sorte à accroître le stock qu'elle détient de 80.000 milliards de yens par an.

Le report de la sortie des mesures d'assouplissement monétaires extraordinaires risque toutefois de laisser la BoJ démunie en cas de retournement conjoncturel alors que ses homologues européenne et américaine ont commencé à se redonner des marges de manoeuvre.

"Il est presque acquis que la BoJ abaissera ses prévisions d'inflation lors de sa prochaine réunion en juillet", à l'occasion de la révision trimestrielle de ses projections économiques, a dit Hiroshi Miyazaki, économiste chez Mitsubishi UFJ Morgan Stanley Securities.

"La BoJ réduit déjà la stimulation monétaire en douce et elle veut sonder les marchés sur une sortie mais elle risque de devoir attendre que l'inflation revienne au moins au-dessus de 1%."

La banque centrale a réduit de près de moitié le rythme annuel auquel elle s'est engagée à acheter des actifs faisant valoir qu'elle peut maintenir les taux d'intérêt à long terme aux niveaux ciblés avec moins d'achats en raison de son emprise sur le marché obligataire.

Signe de l'inquiétude sur la faiblesse de l'inflation jusqu'au sein même de la BoJ, Goushi Kataoka, le seul membre du comité de politique monétaire opposé au statu quo, a dit que la banque centrale devrait augmenter la stimulation monétaire si elle se montre plus pessimiste sur les anticipations d'inflation à l'avenir.

Le produit intérieur brut du Japon s'est contracté de 0,6% au premier trimestre mais les économistes s'attendent à un rebond de la croissance grâce aux exportations et à l'investissement.

La montée des tensions commerciales et la menace du président américain Donald Trump d'imposer des droits de douane sur les importations de voitures aux Etats-Unis pourraient toutefois porter un coup dur à une économie japonaise dépendante des exportations.

(Tangi Salaün et Marc Joanny pour le service français, édité par Bertrand Boucey)