“Nous sommes laïcs” : les propos du ministre des Affaires islamiques agitent le Maroc

Une prière à l’extérieur d’une mosquée de Marrakech, en septembre 2023.

“Nous sommes laïcs nous aussi… Mais nous n’avons pas vos textes de 1905 [loi de séparation de l’Église et de l’État].” Fin octobre, le ministre marocain des Habous et des Affaires islamiques, Ahmed Toufiq, adressait ces mots à son interlocuteur, le ministre de l’Intérieur français, Bruno Retailleau. “Le Maroc peut-il réellement être qualifié de pays laïc ?” se demande le site d’information marocain TelQuel.

Si l’échange entre les deux ministres remonte à fin octobre, lors de la visite officielle du président Macron à Rabat, il n’a été rendu public par Ahmed Toufiq lui-même que fin novembre. Depuis, ces déclarations suscitent un vif débat dans le royaume chérifien. Pour le principal concerné, l’argument est tout trouvé : un verset du Coran décrétant qu’il n’y a “nulle contrainte en matière de religion”.

“Au Maroc, nous avons la commanderie des croyants [la Constitution dispose que le roi est également détenteur de pouvoirs religieux, et ‘veille au respect de l’islam’ en tant que ‘garant du libre exercice des cultes’], nous ne sommes donc pas vraiment dans la laïcité”, reconnaît l’islamologue Asma Lamrabet avant de poursuivre : “Je pense qu’on ne doit pas avoir de complexe par rapport à ça, parce que nous avons un modèle de gestion politique du religieux qui est assez parlant avec toutes ces réformes aujourd’hui qui prônent un islam marocain, tolérant et modéré.”

Spécialiste de l’islam politique au Maroc, Abdellah Tourabi estime le terme de sécularisation plus approprié au Royaume, en rappelant que “le droit marocain est principalement fondé sur des législations humaines” et que Mohammed VI lui-même, commandeur des croyants, “n’intervient avec cette casquette que dans les affaires strictement religieuses”, conformément à la Constitution marocaine.

Passe d’armes

Au-delà du débat entre intellectuels sur les notions de laïcité et de sécularité, la déclaration du ministre a provoqué un débat dans l’espace public et dans la classe politique. Parmi les réactions les plus scrutées, celle de l’ancien chef de gouvernement et actuel secrétaire général du Parti de la justice et du développement (PJD – parti islamiste), Abdelilah Benkirane. Le 1er décembre, à l’occasion de la tenue d’une réunion de militants et de partisans dans la ville d’Oulad Berhil, il a estimé que le royaume était un “État islamique et non laïc”, et que son roi est le “commandeur des croyants et non un roi ordinaire”, rapporte le site d’information marocain Yabiladi.

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