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Sur la laïcité à l’école, Pap Ndiaye fustige les « agitateurs professionnels »

Pap Ndiaye a évoqué une augmentation du nombre de signalements pour le port de tenues religieuses au sein d’établissements scolaires.

LAÏCITÉ - Le port de « tenues islamiques » à l’école en hausse ? Invité des 4 Vérités, ce mardi 4 octobre sur France 2, le ministre de l’Éducation nationale Pap Ndiaye a évoqué une augmentation, en 2022, du nombre de « signalements » pour le port de tenues religieuses au sein d’établissements scolaires. Un phénomène également « observé à la rentrée », précise-t-il.

Le ministre avance que ce phénomène peut être « sous-tendu » par l’effet « d’agitateurs professionnels qui ne veulent ni de bien à l’école ni à la République ».

Un comité de l’État chargé de la lutte contre la radicalisation a tiré, avant la rentrée, la sonnette d’alarme contre les appels visant à transgresser la loi de 2004 interdisant les signes religieux à l’école. Toutefois, sur le terrain, les personnels « restent vigilants » sans constater de hausse « forte » des conflits.

Remettre « en cause le principe de laïcité à l’école »

Dans une note diffusée le 27 août, le Comité interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation (CIPDR), accuse la « mouvance islamiste » de remettre « en cause le principe de laïcité à l’école » en s’appuyant sur les réseaux sociaux. « En toile de fond (...) la remise en cause de la loi de 2004 interdisant le port des signes religieux à l’école », le texte étant considéré « comme la matrice de “l’islamophobie” » par les « militants islamistes », selon le CIPDR.

Pour cette instance rattachée au ministère de l’Intérieur, Twitter ou TikTok seraient utilisés pour encourager le port des vêtements marquant une appartenance religieuse, inciter à la prière au sein de l’école, participer au « chantage » à la photo de jeunes femmes musulmanes dévoilées dans une logique « victimaire », voire pour menacer des conseillers principaux d’éducation (CPE).

« On fera respecter la loi »

Mi-septembre, c’est le ministère de l’Éducation nationale qui envoyait une note aux recteurs pour préciser « certains points » de la loi de 2004, tout en mettant en avant le « dialogue avec l’élève et sa famille ». Dans un pays traumatisé par l’assassinat du professeur Samuel Paty par un homme se réclamant du jihad en octobre 2020, ces deux documents ont réactivé les craintes et provoqué une mise au point de la Première ministre Élisabeth Borne : « On fera respecter la loi ».

Le sujet est sensible. Au printemps, une précédente polémique sur le port des signes religieux accusé d’être en recrudescence, avait déjà surgi.

La rue de Grenelle avait dévoilé les « chiffres globalement stables » de signalements (627) pour des atteintes à la laïcité, de décembre 2021 à mars 2022, dans les écoles, collèges et lycées. L’Éducation nationale relevait toutefois l’augmentation des conflits liés au port des tenues religieuses dans le total de ces signalements.

Un phénomène toutefois « difficile à quantifier » et « marginal »

« Ces chiffres ne sont pas des statistiques car c’est juste du déclaratif et donc le phénomène est difficile à quantifier », commente Iannis Roder, enseignant en Seine-Saint-Denis et directeur de l’observatoire de l’Éducation à la Fondation Jean-Jaurès.

En revanche, « quand la part des tenues religieuses augmente ainsi dans les signalements, ça signifie tout de même quelque chose », dit-il. Pour l’enseignant, le problème résulte de l’« incompréhension de ce qu’est la laïcité. Elle n’est pas comprise par nombre d’élèves, ils la voient comme une privation de liberté individuelle, notamment du droit à s’habiller comme on veut ».

Pour un proviseur de l’Essonne, souhaitant garder l’anonymat, « nous ne sommes pas dans une recrudescence forte des signes religieux mais on note depuis la rentrée des échanges pouvant parfois être un peu plus conflictuels avec des élèves quand on leur demande d’enlever leur voile au passage de la grille du lycée par exemple ».

Carole Zerbib, proviseure-adjointe du lycée Voltaire à Paris et membre du syndicat national des personnels de direction SNPDEN-Unsa, assure que « depuis plusieurs mois, on assiste à un retour de revendications identitaires, mais qui n’est pas seulement lié aux élèves d’origine musulmane, et qui par ailleurs n’est pas massif ».

Avec ses équipes éducatives, elle fait attention durant la journée aux différents signes religieux « qui pourraient (leur) avoir échappé » à l’entrée de l’établissement. « Ce n’est pas toujours évident de faire la différence entre une abaya, tenue traditionnelle qui se porte au-dessus d’autres vêtements et une robe trop longue, entre un voile et un bandeau qui pourrait être un peu trop large… Chaque proviseur ou professeur met le curseur où il le souhaite », explique Renaud, professeur dans un lycée de Seine-et-Marne.

« On ne peut pas dire qu’il ne se passe rien car il y a des micro-incidents ici et là, mais ce n’est pas spécialement nouveau et cela reste très marginal », assure Bruno, professeur à Saint-Denis en Seine-Saint-Denis.

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