Sur l’interdiction de l’abaya à l’école, la NUPES en ordre (très) dispersé
POLITIQUE - Il n’y a pas que sur les européennes ou sur Médine que la coalition de gauche ne parvient pas à parler d’une seule et même voix. Après l’interdiction du port de l’abaya à l’école annoncée ce dimanche par Gabriel Attal, les élus de la NUPES expriment des positions diverses sur ce sujet mis sur la table par le ministre de l’Éducation nationale.
Ainsi, plusieurs nuances se dessinent ce lundi 28 août face à cette interdiction applaudie par la droite et l’extrême droite. Après l’annonce, plusieurs élues, connues pour leur engagement féministe, ont vu dans cette décision une volonté de « contrôler le corps des femmes ».
C’est notamment le cas de la députée de Paris, Sandrine Rousseau. « L’année dernière c’était l’interdiction du crop top qui était annoncée le 12 sept 2022. Cette année, c’est l’abaya. Le contrôle social sur le corps des femmes et des jeunes filles, toujours », a dénoncé sur X (ex-Twitter) l’élue EELV. Députée écolo du Bas-Rhin et vice-présidente du groupe écologiste à l’Assemblée nationale, Sandra Regol a livré une analyse similaire sur le même réseau social.
Abayas, jupes, croctops : c'est toujours le corps des femmes que ces politiques proposent de contrôler. pic.twitter.com/ggNkHbhLOB
— Sandra Regol 🌻🇺🇦 (@sandraregol) August 28, 2023
Si les insoumis partagent cette indignation, c’est davantage l’aspect stigmatisant de la mesure qui est pointé. « Jusqu’où ira la police du vêtement ? La proposition de Gabriel Attal est anticonstitutionnelle. Contraire aux principes fondateurs de la laïcité. Symptomatique du rejet obsessionnel des musulmans. À peine rentrée, la macronie tente déjà de prendre le RN par la droite », a déploré la députée insoumise Clémentine Autain, à l’unisson de plusieurs de ses collègues. À l’instar du député LFI du Val-d’Oise Paul Vannier, qui s’est insurgé sur BFMTV contre la « diversion raciste » visant à « effacer les vrais enjeux de cette rentrée » marquée par l’inflation.
« Guerre de religion »
Une analyse partagée par Jean-Luc Mélenchon. « Tristesse de voir la rentrée scolaire politiquement polarisée par une nouvelle absurde guerre de religion entièrement artificielle à propos d’un habit féminin. À quand la paix civile et la vraie laïcité qui unit au lieu d’exaspérer ? », s’est interrogé sur X le chef de file de la France insoumise. Au mois de juin, le triple candidat à la présidentielle avait considéré que l’abaya n’a « rien à avoir avec la religion », et que le problème de l’école était d’abord « le manque de professeurs, l’insuffisance de l’accueil » que le port (marginal) de cette tenue.
Tristesse de voir la rentrée scolaire politiquement polarisée par une nouvelle absurde guerre de religion entièrement artificielle à propos d'un habit féminin. À quand la paix civile et la vraie laïcité qui unit au lieu d'exaspérer ?
— Jean-Luc Mélenchon (@JLMelenchon) August 28, 2023
Si de nombreuses personnalités de la NUPES condamnent cette interdiction, d’autres au contraire s’en félicitent. C’est notamment le cas du député PS de l’Essonne Jérôme Guedj. « Notre boussole, c’est l’interdiction des signes ostensibles à l’école. Dès l’instant où l’abaya ou le qamis sont portés dans une dimension ostentatoire, alors il faut les interdire comme la loi de 2004 le permet, sans difficultés majeures », a-t-il estimé sur le même réseau social, considérant que les « proviseurs ont besoin d’une doctrine claire pour traiter chaque situation avec discernement grâce à cette grille de lecture ».
Le secrétaire national du Parti communiste, Fabien Roussel, partage cette position. « Oui, la décision sur l’abaya était nécessaire pour ne pas laisser seuls les chefs d’établissement. Non ce n’était pas la priorité », a-t-il indiqué sur X, en partageant la vidéo de son interview accordée à Sud Radio et au cours de laquelle il dit « approuver » l’annonce faite par Gabriel Attal.
Deux conceptions différentes
Une différence d’approche qui révèle les divisions de la NUPES sur les sujets touchant à la laïcité, comme c’était déjà le cas à l’été 2022 sur le burkini. Chez EELV ou LFI, les interdictions prises au nom d’une laïcité dite « dévoyée » sont souvent perçues comme des attaques faites à l’encontre des Français musulmans ne faisant que creuser le fossé entre une partie des citoyens du reste de la population, en plus d’être souvent en opposition aux libertés individuelles.
Sur le cas de l’abaya, ces deux formations se rangent d’ailleurs à l’avis du Conseil français du culte musulman (CFCM), qui avait affirmé dans un communiqué que le vêtement n’était « pas » un signe religieux. Au PS et au PCF au contraire, la laïcité est davantage perçue comme un outil d’émancipation qui doit être utilisé avec intransigeance pour se protéger de l’influence des religions sur la vie publique. Deux façons de voir les choses qui ne manquent pas de s’affronter à chaque fois que le sujet revient à l’agenda. Et qui permettent à leurs adversaires politiques de mettre en lumière ces divisions à peu de frais.
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