Sur l’inflation, Macron montre ses limites entre le nouveau chèque et la fin de la vente à perte
POLITIQUE - Sans rien (ou presque) dans la besace. Emmanuel Macron a convié France 2 et TF1 dimanche 24 septembre au soir à l’Élysée pour leur accorder une interview d’une grosse trentaine de minutes dans les journaux télévisés de 20 heures. L’occasion pour le chef de l’État de clore sa semaine royalo-papale, mais surtout de donner quelques menues orientations en cette rentrée délicate.
Le président de la République était particulièrement attendu sur le thème de l’inflation, alors que la hausse des prix, à la pompe et dans les chariots de courses notamment, continue de rogner le pouvoir d’achat des Français. Selon l’Insee, les prix alimentaires se sont ainsi envolés de 18,4 % entre le dernier trimestre 2021 et le deuxième trimestre 2023.
En l’occurrence, Emmanuel Macron a annoncé avoir débloqué un nouveau chèque pour les automobilistes aux revenus modestes. Puis, il a enterré le mécanisme proposé par la cheffe du gouvernement Élisabeth Borne dix jours plus tôt, qui voulait donner la possibilité aux distributeurs de vendre leur carburant à perte. Deux décisions qui, après les cours de cuisine dans les écoles dégainés au débotté par la ministre déléguée Olivia Grégoire mi-septembre, tendent à révéler une forme d’improvisation, sinon d’impuissance, au moment de protéger le porte-monnaie des ménages. Leur première préoccupation en cette rentrée.
Un chèque et une défaite
Le nouveau dispositif d’aide à l’attention des automobilistes, tout d’abord, n’était pas sur les tablettes de l’exécutif jusqu’à il y a peu. Au contraire, le gouvernement a tout fait pour préparer les esprits à la fin de ces coups de pouce gourmands en argent public. « On n’a pas prévu de nouveau chèque carburant, expliquait encore Élisabeth Borne fin août sur France Bleu, car cela a représenté huit milliards d’euros de dépenses et il faut aussi que l’on puisse investir pour accompagner la transition écologique et sortir de la dépendance aux énergies fossiles. »
Une question de responsabilité, selon le ministre de l’Économie et des Finances. Désireux de sortir du « quoi qu’il en coûte », Bruno Le Maire exclut de longue date une nouvelle « ristourne » gouvernementale d’ampleur sur les prix à la pompe. Dans ces conditions, un brin contraintes pour l’exécutif, la volonté affichée de « tenir les dépenses publiques » se reflète dans la mesure annoncée par Emmanuel Macron dimanche soir.
Car si le chef de l’État a finalement promis un nouveau chèque, dans un contexte où la hausse des prix se poursuit, ce dispositif apparaît relativement restreint comparé aux enveloppes débloquées jusqu’à présent. Dans le détail, cette aide sera « limitée aux travailleurs », les 50 % les plus modestes, et elle pourrait atteindre « cent euros par voiture et par an », selon le président de la République. Ce qui représente en gros 8 euros par mois pour un automobiliste, pour un coût estimé à quelque 500 millions d’euros pour l’État. Pas le grand soir, ni de quoi gréver le budget qui sera présenté mercredi en conseil des ministres.
Options à portées incertaines
C’est cette même logique, contrainte par le retour à l’orthodoxie budgétaire, qui avait guidé Élisabeth Borne dans sa dernière proposition contre l’inflation, la vente de carburant à perte donc. Résultat : un lent fiasco marqué par les difficultés de l’exécutif à évaluer le bénéfice d’une telle mesure pour les automobilistes, puis les refus successifs - plus ou moins critiques - des distributeurs.
« La menace de baisser le seuil de vente à perte a été brandie. Elle ne sera pas dans le texte » bientôt en débat à l’Assemblée, a ainsi déclaré Emmanuel Macron dimanche, actant l’échec de cette piste. À la place, le gouvernement souhaite demander à la filière « de faire un prix coûtant », ce qui fera l’objet d’une réunion organisée ce mardi 26 septembre entre la Première ministre, les raffineurs, les distributeurs et les professionnels de la filière carburants.
Pas de vente à perte, donc. Ni de TVA rabotée, comme le réclame le Rassemblement national. Pas d’indexation non plus des salaires sur l’inflation, pour ne pas « créer une boucle inflationniste », pour reprendre les mots d’Emmanuel Macron, ni de blocage des prix comme le souhaite la gauche, car « les prix ne sont pas administrés dans notre pays. »
Que reste-t-il, dès lors, sur les tablettes de l’exécutif ? Des options à la portée somme toute incertaine, comme la négociation avec les acteurs de l’industrie agroalimentaire. En réponse aux supermarchés qui accusent leurs fournisseurs de ne pas vouloir revoir leurs tarifs à la baisse alors que leurs coûts auraient baissé, le ministre de l’Économie Bruno Le Maire a dit vouloir avancer au 15 janvier la clôture des discussions annuelles, habituellement achevées en mars. Dimanche soir, Emmanuel Macron a précisé vouloir trouver avec les grands industriels « un accord sur la modération des marges dans le secteur » avec des « contrôleurs qui procéderont à des vérifications ».
Problème, rien ne permet d’assurer que les renégociations (limitées aux plus gros industriels, souvent des multinationales) accoucheront de baisses de tarifs. Tous affirment en chœur que leurs coûts sont loin d’avoir baissé, et que le repli du prix de certaines matières premières n’est pas significatif. De quoi laisser entrevoir des discussions difficiles. À l’image de celles à venir avec les partenaires sociaux ? Le 16 octobre prochain s’ouvrira la conférence sur les bas salaires pour évoquer principalement « les carrières et les branches situées sous le salaire minimum. » Un des derniers leviers promis par Emmanuel Macron, mais à la portée déjà critiquée.
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