Sur l’immigration, Darmanin va devoir dénouer trois points clefs pour obtenir le vote de l’Assemblée
POLITIQUE - Les trois clefs du Palais Bourbon. Le Sénat a adopté mardi 14 novembre une version largement durcie du projet de loi immigration souhaité par Emmanuel Macron et défendu par Gérald Darmanin. Pour le ministre de l’Intérieur, seul à la barre, il s’agit d’une première victoire, avant d’entrer dans le dur.
Car cette réforme, présentée comme la plus importante depuis celle des retraites, sera encore plus délicate à gérer à l’Assemblée nationale (fin novembre en commission et le mois suivant dans l’hémicycle) où une majorité semble introuvable. Et où la Macronie menace de se fissurer.
Le locataire de la Place Beauvau, qui enchaîne les échanges au ministère avec les représentants de l’aile gauche de son camp, va devoir dénouer au moins trois points clefs.
1 - La suppression de l’AME
Le texte du gouvernement va débarquer à l’Assemblée avec une nouveauté : la suppression, par les sénateurs, de l’AME, l’Aide Médicale d’État destinée aux personnes se trouvant en situation irrégulière, au profit d’une AMU, Aide Médicale d’Urgence. Les Républicains du Sénat ont réussi à imposer ce qui est vu comme un recul par de nombreux médecins et défendu de longue date par l’extrême droite. Le tout au grand dam de la gauche et d’une grande partie du camp présidentiel.
Gérald Darmanin, qui s’était dit « à titre personnel » favorable à une réforme du dispositif avant le début de l’examen du texte, a finalement fait savoir en fin de semaine dernière, via une déclaration de son entourage à l’AFP qu’il ne voulait pas de cette refonte « dans le texte final adopté. »
Plusieurs figures du gouvernement, dont le ministre de la Santé Aurélien Rousseau sont montés au créneau pour défendre « un dispositif de santé publique. » Désormais, l’exécutif, comme les sénateurs macronistes, accusés d’avoir donné leur assentiment à un texte dont la coloration est devenue très droitière, comptent sur l’Assemblée pour rétablir la fameuse AME.
2 - La régularisation de certains sans-papiers
C’est également au Palais Bourbon que se jouera le sort du fameux article 3 sur la régularisation des travailleurs sans papier. Depuis le départ, cette disposition défendue par l’aile gauche de la Macronie comme le pendant social aux nombreux dispositifs répressifs, est un sujet de crispation.
Ces députés, emmenés par le président de la commission des Lois Sacha Houlié, vont tout faire pour rétablir le dispositif prévu initialement par le gouvernement mais biffé par le Sénat. Bruno Retailleau et ses pairs ont effectivement supprimé le fameux article 3 qui permettait l’octroi d’un titre de séjour « de plein droit » aux travailleurs sans-papiers dans des secteurs en pénurie de main-d’œuvre pour lui préférer un article 4 bis moins-disant, qui prévoit une procédure encadrée, « à titre exceptionnel » et assortie de multiples conditions.
Problème pour les parlementaires attachés à la première mouture : les Républicains, qui détiennent le sort du projet entre leurs mains, ne sont pas vraiment enclins à voir le travail de leurs collègues sénateurs dénaturés. Le président du groupe LR Olivier Marleix a déjà prévenu, mardi, que ses troupes comptaient bien « continuer à le durcir » le texte sorti du Palais du Luxembourg, tout en mettant en garde le gouvernement compte toute tentative de « détricotage » dès le passage en commission.
3 - L’article 4, numéro complémentaire
Enfin, parmi les sujets crispants, l’article 4 prévoyait dans la même logique que le précédent, de donner un accès immédiat au marché du travail aux demandeurs d’asile dont la nationalité les rend les plus susceptibles d’être protégés par la France. Il a été supprimé par le Sénat et sa majorité LR - centristes.
Dans ce contexte, Gérald Darmanin va devoir trouver une voie de passage entre Les Républicains de l’Assemblée qui font de la question une ligne rouge - et brandissent sans relâche la menace d’une motion de censure - et l’aile gauche de la majorité qui promet de « rétablir le texte ambitieux de l’exécutif, tout le texte de l’exécutif », selon les mots de Sacha Houlié.
« Comme les Français, nous voulons permettre aux travailleurs qui sont intégrés d’avoir des papiers dans les métiers en tensions, expulser les délinquants plus rapidement et simplifier les procédures judiciaires », insistait le président de la commission des Lois dans Le Figaro. Un équilibre encore défendu par Olivier Véran, ce mercredi, au sortir du Conseil des ministres. « Les sénateurs de droite ont eu beaucoup d’idées », a souligné le porte-parole du gouvernement en évoquant les 65 articles ajoutés au texte initial. Et combien de nouveaux nœuds ?
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