L’enquête sur l’assassinat de Samuel Paty est terminée, deux ans après sa mort

(FILES) In this file photo taken on October 16, 2021, members of the public stand in front of a photograph depicting French history and geography teacher Samuel Paty as they attend a tribute ceremony in Eragny-sur-Oise, northwestern Paris, held one year after Paty was beheaded by an extremist after showing his class cartoons of the Muslim Prophet Mohammed. - The anti-terrorist judges in charge of the investigation into the murder of Samuel Paty in October 2020 in France have closed their investigations on October 6, 2022, AFP learned from a judicial source, confirming a source close to the case. (Photo by Alain JOCARD / AFP)

JUSTICE - Les juges d’instruction antiterroristes ont clôturé ce jeudi 6 octobre leurs investigations dans le dossier Samuel Paty, alors que la France s’apprête à commémorer les deux ans de l’assassinat de l’enseignant par un jeune homme radicalisé rapidement tué par la police.

Les magistrats ont informé les parties de la fin de cette information judiciaire dans laquelle 14 personnes sont poursuivies, a indiqué une source judiciaire, confirmant une source proche du dossier.

Les parties ont désormais un mois pour envoyer aux juges leurs observations. Si les investigations ne sont pas relancées, il appartiendra ensuite au parquet national antiterroriste (Pnat) de rendre son réquisitoire définitif, c’est-à-dire déclarer qui il souhaite voir jugé, ou pas, devant quelle juridiction et pour quels chefs, avant une décision finale des juges d’instruction.

Tué pour avoir montré des caricatures de Mahomet

Le 16 octobre 2020, le professeur d’histoire-géographie, âgé de 47 ans, avait été poignardé puis décapité près de son collège à Conflans-Sainte-Honorine (Yvelines), par Abdoullakh Anzorov, réfugié russe d’origine tchétchène, tué peu après par la police.

Cette attaque terroriste avait suscité un immense émoi en France et à l’étranger. Emmanuel Macron avait rendu un hommage national à l’enseignant dans la symbolique cour de la Sorbonne à Paris.

L’homme de 18 ans, radicalisé, lui reprochait d’avoir montré en classe des caricatures de Mahomet. Dans un message audio en russe, il avait revendiqué son geste en se félicitant d’avoir « vengé le prophète ».

Il avait pris connaissance de la polémique visant le professeur quelques jours plus tôt via les réseaux sociaux où avaient été diffusées des vidéos de Brahim Chnina, père d’une collégienne visée par une exclusion pour indiscipline et qui prétendait avoir assisté au cours, et du sulfureux militant islamiste Abdelhakim Sefrioui.

Quel rôle des réseaux sociaux ?

Quatorze personnes sont mises en examen, dont plusieurs collégiens. Au premier rang, deux connaissances d’Anzorov de sa ville d’Evreux, Azim E. et Naïm B., qui l’ont accompagné pour acheter un couteau. Le second était allé avec lui jusqu’au collège de Conflans-Sainte-Honorine.

Brahim Chnina et Abdelhakim Sefrioui sont eux poursuivis pour complicité d’assassinat terroriste, soupçonnés d’avoir « ciblé » Samuel Paty via une vidéo et ainsi d’avoir « facilité la définition d’un projet criminel » par Abdoullakh Anzorov. Autre mise en cause pour cette « complicité » d’assassinat, Priscilla M., trentenaire convertie à l’islam, qui était en lien sur les réseaux sociaux avec l’assassin, les jours précédents l’attaque.

Les juges antiterroristes ont estimé que celle qui s’appelait « Cicatrice sucrée » sur les réseaux sociaux avait « (renforcé) la détermination d’Abdoullakh Anzorov à passer à l’acte criminel », « (facilité) la localisation de la victime » et lui avait « (donné) les arguments idéologiques pour commettre l’assassinat de Samuel Paty ». Son avocate n’a pas réagi.

La fille de Brahim Chnina est pour sa part mise en examen pour dénonciation calomnieuse : elle a admis avoir menti en affirmant que le professeur avait demandé aux élèves musulmans de se signaler et de sortir de la classe lors de ce cours. Une quinzième personne, une adolescente mineure, avait également été mise en examen mais son dossier a été disjoint, selon la source judiciaire.

Une enquête pour non-assistance à personne en péril ouverte

« L’information judiciaire a établi que notre client n’avait jamais été en contact avec le terroriste et il n’a jamais pu être prouvé que le terroriste avait pris connaissance de la vidéo de M. Sefrioui », ont commenté auprès de l’AFP les avocats de ce dernier, Mes Elise Arfi, Ouadie Elhamamouchi et Sefen Guez Guez.

« Des investigations plus poussées semblaient s’imposer sur certains aspects du dossier, tel que le rôle d’instigateur de Faruq Shami », un contact tadjik d’Anzorov en Syrie, « qui apparaît avoir été le mentor du terroriste », ont-ils ajouté.

L’assassinat avait entraîné une vive polémique et des accusations visant l’Intérieur et l’Éducation nationale, qui avaient été alertés de menaces visant le professeur mais qui, selon des membres de sa famille ayant porté plainte, n’avaient pas pris suffisamment en compte le péril.

Le parquet de Paris a ouvert en avril une enquête distincte sur ces accusations visant des membres de l’administration pour non-assistance à personne en péril et non empêchement de crime. Sans ces fautes, « Samuel Paty aurait pu être sauvé », avait estimé l’avocate de cette partie de la famille Paty, Me Virginie Le Roy, qui n’a pas réagi jeudi.

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