L’accord du Mercosur signé par l’UE, la classe politique française s’en renvoie la responsabilité

Ursula von der Leyen, le 6 décembre 2024 à Montevideo en Uruguay.
EITAN ABRAMOVICH / AFP Ursula von der Leyen, le 6 décembre 2024 à Montevideo en Uruguay.

POLITIQUE - À qui la faute ? À toi, répond en chœur la classe politique française en se pointant du doigt. L’accord de libre-échange entre l’UE et les pays du Mercosur était un des rares sujets à faire l’unanimité contre lui. Mais après la signature du traité ce vendredi 6 décembre, chaque camp en renvoie la responsabilité sur ses adversaires.

Le 26 novembre, l’Assemblée nationale a massivement rejeté le traité en « l’état », à l’exception de la France insoumise qui a voté contre, car défavorable au projet dans sa globalité. Mais ce vote non contraignant (et surtout destiné à mettre la pression sur la présidente de la Commission européenne) est resté sans effet. Depuis Montevideo (Uruguay) ce vendredi, Ursula von der Leyen a annoncé la signature du traité de libre-échange, après 25 ans de discussions. Une décision que certains, dans la classe politique française, interprètent comme une conséquence directe de la crise politique que traverse la France.

Attal cible les partisans de la censure, le RN ceux qui ont soutenu von der Leyen

Ainsi, l’ancien Premier ministre Gabriel Attal a directement interpellé Marine Le Pen, coupable selon lui d’avoir voté la censure du gouvernement Barnier qui a « affaibli la voix de la France en Europe » et dès lors « limité sa capacité de blocage du Mercosur ». « Je sais d’expérience que c’est grâce aux gouvernements précédents, en appui du président de la République, que l’Union européenne n’a pas signé le Mercosur. Nous avons résisté et toujours obtenu, parfois in extremis, qu’il ne soit pas signé. (...) Faute de gouvernement, les négociations ont été précipitées dès mercredi soir et ont abouti aujourd’hui », écrit-il sur X.

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Réponse sur le même canal des troupes lepénistes : la responsabilité en incombe au « bloc central LR- Macroniste » qui « a voté pour la Commission von der Leyen II », cingle le député Thomas Ménagé, détail du scrutin européen à l’appui. Plus virulent, son collègue Jean-Philippe Tanguy n’hésite pas à traiter Gabriel Attal de « menteur », faisant valoir que la signature était prévue de longue date, car « on ne réunit pas l’ensemble des chefs d’États du Mercosur en 24 heures ».

En parallèle la triple candidate à la présidentielle Marine Le Pen a profité de l’occasion pour fustiger la Commission européenne qui « impose son diktat » en « s’essuyant les pieds sur le vote souverain des députés ». Pour rappel, lors des débats sur le PLF 2025, le RN avait réussi à faire raboter l’enveloppe française allouée à l’UE de 5 milliards d’euros.

Pour LFI, le coupable s’appelle Macron

Si le LR Ian Boucard charge tout le monde, « RN et gauche » qui, en votant la censure de Michel Barnier ont « donné l’opportunité », la gauche justement s’est trouvé un autre coupable : Emmanuel Macron.

Le fondateur de la France insoumise Jean-Luc Mélenchon a ainsi pointé du doigt le président de la République qui « joue au Monopoly politique » sur le plan national depuis sa décision de dissoudre l’Assemblée nationale et fait « sortir de l’histoire » la France. Les insoumis s’insurgent en parallèle qu’Emmanuel Macron « n’ait rien fait » pour « bloquer définitivement » et « demandé la fin des négociations » depuis son arrivée au pouvoir, détaillait avant la signature la vice-présidente de l’Assemblée Aurélie Trouvé sur BFMTV. Et la députée de conclure son message par un « qu’il parte », en référence aux appels de son camp à la démission du chef de l’État.

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Sur la même ligne, la secrétaire nationale des Écologistes Marine Tondelier a aussi chargé le chef de l’État et son « chaos politique » qui a permis « à ses ’alliés’ européens de nous marcher dessus et de finaliser en catimini les accords », dénonçait-elle avant l’annonce.

« Ce n’est pas la fin de l’histoire », veut croire l’Élysée

Dans les faits, la censure du gouvernement Barnier n’a sans doute joué qu’à la marge - voire pas du tout - sur la signature de l’accord. Car jeudi, au lendemain du vote des députés, Emmanuel Macron avait « redit » à la présidente de la Commission que le projet d’accord commercial était « inacceptable en l’état » et qu’il entendait continuer « de défendre sans relâche notre souveraineté agricole », avait fait savoir l’Élysée. Sans, de toute évidence, que cela n’ait d’impact sur la position d’Ursula von der Leyen.

« La Commission a achevé son travail de négociation avec le Mercosur, c’est sa responsabilité, mais l’accord n’est ni signé, ni ratifié. Ce n’est donc pas la fin de l’histoire. Il n’y a aucune entrée en vigueur de l’accord avec le Mercosur », a tenu à souligner l’Élysée lors d’un échange avec des journalistes ce vendredi après-midi, alors que la nouvelle devrait donner un nouvel élan à la mobilisation agricole. Ce qui, dans l’impasse politique dans laquelle se trouve l’exécutif, serait loin d’être idéal.

Pour entrer réellement en vigueur, le traité doit encore passer deux étapes : gagner l’approbation d’au moins 15 États membres représentant 65 % de la population de l’UE et ensuite réunir une majorité au Parlement européen. Outre la France, l’Italie et la Pologne ont aussi dit leur opposition au texte actuel. L’Autriche ou les Pays-Bas ont aussi exprimé des réticences, auxquelles pourrait se joindre l’Irlande. Pour empêcher l’adoption du texte, la France a besoin de rallier trois autres pays représentant plus de 35 % de la population de l’UE, un seuil aisément franchi si l’appui de Rome et de Varsovie se confirme au moment du vote. Un nouveau défi, européen cette fois, pour le président de la République.

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