L’“évangile de la prospérité”, ou comment prêcher l’apathie sociale en Afrique

Dans un continent qui regorge de ressources, pourquoi la richesse ostentatoire de quelques-uns coexiste-t-elle avec la pauvreté de millions d’autres ? Le pasteur Chris Oyakhilome vous répondrait que la pauvreté afflige ceux qui n’ont pas la foi. Le prophète Shepherd Bushiri, de l’Enlightened Christian Gathering [“Assemblée chrétienne éclairée”], vous rappellerait que la pauvreté est une force démoniaque qu’on ne peut vaincre que par la guerre spirituelle.

Ces hommes de Dieu autoproclamés refusent de voir que la pauvreté est indissociable des systèmes économiqueS et politiques qui la produisent. Au lieu de cela, à l’instar de bon nombre des premiers missionnaires africains qui ont apporté la Bible en Afrique, ils mettent habilement la religion au service d’un pouvoir oppresseur.

Heureux les riches et les prospères

Leurs adeptes s’habituent aux inégalités entretenues par le capitalisme, tandis que ces prédicateurs multimillionnaires ne poursuivent qu’un but : leur enrichissement personnel. Leur outil est la théologie [ou évangile] de la prospérité, une croyance sectaire protestante qui conçoit le salut de l’humanité comme un accord contractuel avec Dieu. La foi et la dévotion au Christ conduisent non seulement à la rémission des péchés, mais aussi à une santé exceptionnelle et à une richesse extraordinaire. Par une pratique assidue de la prière, des confessions positives et de généreux dons à l’église, on accède à la promesse de prospérité faite jadis par Dieu.

Vue de l’extérieur, la théologie de la prospérité peut passer pour un dogme irrationnel mais somme toute inoffensif. Ce serait une erreur naïve. Notre capacité à remédier à des fléaux sociaux comme la pauvreté ou les inégalités dépend pour une part de la manière dont on définit ces problèmes. Une fois qu’on a compris les causes profondes de la pauvreté, on se rapproche de solutions efficaces. En renvoyant la pauvreté au domaine du surnaturel, les prédicateurs de la théologie de la prospérité occultent les conditions bien réelles qui causent la pauvreté de leurs ouailles, et ce faisant ils s’achètent une bonne conscience politique.

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