KSW: Talent XXL, bourreau de travail, qui est Salahdine Parnasse, le crack du MMA français?
Le KSW, son organisation polonaise, considérée comme la meilleure en Europe, utilise la formule depuis longtemps. Les médias ont emboîté le pas. Saladine Parnasse serait "le Kylian Mbappé du MMA français". Précocité, talent XXL, le 93 comme terrain pour grandir (Aubervilliers pour Salahdine, Bondy pour Kylian), les points reliant Parnasse à Mbappé sont nombreux. "C’est flatteur, sourit l’intéressé. Kylian marque les esprits dans le football et j’espère faire pareil dans mon sport."
>> Vivez le choc Parnasse-Ziolkowski et le mois des Français en MMA avec l'offre RMC Sport
Lui aussi peut régaler des stades. Champion des plumes du KSW, Parnasse va tenter d’ajouter la ceinture incontestée des légers (il est déjà champion intérimaire de la catégorie) ce samedi soir face à Marian Ziolkowski. Cadre du choc? Le co-main event du "Colosseum 2" dans le stade national de Varsovie, devant environ 50.000 spectateurs selon les dernières estimations, pour le plus gros événement européen de l’année dans le MMA.
Parnasse ne combat pas encore dans la cage de la prestigieuse UFC, plus grande organisation de la discipline. Mais pour beaucoup, il est déjà le meilleur combattant français de MMA actuel toutes catégories confondues. Et il y a beaucoup d’arguments pour approuver l’idée. Un prodige construit au talent mais surtout au travail, entamé il y a longtemps. Père guadeloupéen, mère marocaine, famille nombreuse (quatre enfants) et modeste, Salahdine grandit à Aubervilliers, dans l’appartement de fonction de papa qui travaille aux impôts.
Il tâte du football avec son grand frère Samir mais les footeux ne sont pas ses idoles. Il préfère "Jean-Claude Van Damme ou Steven Seagal, tous les films d’action". "C’est dans ma culture. Mon père regardait beaucoup de films de combats." Hyperactif, le gamin aime le combat. "Il se bagarrait beaucoup à l’école", se souvient Samir. Les séances de catch avec son frère font enrager maman. Dehors, on s’amuse avec les potes ou les cousins. "On avait une grande cour pour s'amuser et on faisait plein de jeux en rapport à la bagarre. Je voulais toujours être le plus fort. Quand je perdais, je pleurais, je rentrais, je culpabilisais et je me demandais comment faire pour gagner la prochaine fois."
A onze ans, pour canaliser son surplus d’énergie, direction la Atch Academy, aujourd’hui plus grosse structure de MMA française en nombre d’adhérents avec près de 2500 membres. A seulement onze ans. Il rencontre Stéphane "Atch" Chaufourier, qui va devenir son mentor et son "deuxième père", et commence tout de suite le MMA, symbole de cette nouvelle génération qui n’arrive plus d’un autre sport de combat. "C’était un petit gros mais qui était très rapide et qui savait ce qu’il voulait, raconte Atch, son coach principal et manager. Il était déterminé à être le meilleur dès son plus jeune âge. Il avait une facilité, une gestuelle, une agilité, c’était incroyable. Je me suis dit: 'Si ce petit s’accroche, il peut faire de grandes choses"."
Installé avec sa mère après le divorce de ses parents, le jeune Salahdine lui promet de se lancer à fond dans l’aventure pour l’inciter à l’inscrire. Il va tenir parole. "Je voulais faire plusieurs disciplines en même temps et j’ai choisi le MMA pour ça. J’aime tout dans ce sport. C’est du plaisir et une passion." "Commencer aussi jeune n’était pas commun à l’époque, contrairement à aujourd’hui, explique Atch. Mais des jeunes comme lui, on n’en a qu’un." Parnasse squatte la salle, encore et encore, déterminé, sérieux. Il passe des vacances scolaires à s’entraîner ou zappe des cinés avec les copains pour une séance supplémentaire.
Le travail, pilier de sa vie encore aujourd’hui, va vite payer. "A treize-quatorze ans il gagnait toutes les compétitions chez les jeunes, témoigne Arnaud Templier, son coach de striking (pieds-poings) à la Atch Academy. Il s’entraînait plus que les autres. A quatorze ans, il faisait des guerres avec de gros sparring-partners de dix-sept, dix-huit, dix-neuf voire vingt ans qui venaient me voir à la fin du cours pour me dire qu’ils en avaient marre du petit. C’était un Gremlins, il ne les lâchait pas. On était parti en Belgique pour une compétition de MMA à quinze-seize ans, car ça n’existait pas en France, il avait surclassé son adversaire et tout le monde était venu me voir pour me demander qui était ce petit."
En parallèle de ses études, un CAP et un Bac pro de technicien en installation des systèmes énergétiques et climatiques, les combats amateurs vont être suivis d’une première sortie professionnelle à dix-sept ans, en juin 2015, en pancrace (le MMA sans les frappes au sol, en gros, car la discipline n’était pas encore légalisée en France). A dix-huit ans, il perd son papa, pilier de vie et premier fan qui accrochait ses posters de combat dans son bureau. "La première fois qu’il l’a vu combattre, notre père en a parlé pendant plusieurs semaines, sourit Samir. Il ne s’arrêtait plus. Il le voyait comme un champion." Parti à seulement cinquante-six ans, la déchirure est immense. "Il m’avait tout appris. Il m'a transmis des bonnes valeurs et je ne pourrai jamais le remercier assez. Ce que je fais, c'est aussi une manière de lui rendre hommage."
Atch et sa deuxième famille l’accompagnent dans ‘épreuve comme ils accompagnent ses conquêtes sportives. Les victoires s’enchaînent, avec au passage des succès sur William Gomis, aujourd’hui à l’UFC, et Morgan Charrière, star du Cage Warriors. A tout juste vingt ans, fin 2017, il fait ses débuts au KSW, organisation polonaise considérée comme la plus grosse en Europe. Il va en devenir le plus jeune champion de l’histoire, intérimaire à vingt-et-un ans, incontesté à vingt-deux. Couronné chez les plumes, il perd sa ceinture avec son seul revers en carrière début 2021 face à Daniel Torres, revers vengé l’année suivante pour reprendre le titre.
"Il m’avait mis un coup un peu bizarre du biceps derrière la tête, un truc improbable. C’était son jour de gloire mais je me suis entraîné encore plus dur pour prendre ma revanche Tout le monde a pu voir que c’était un accident. J’ai appris de cette défaite, appris qu’il fallait se relever et ne jamais lâcher l’affaire. C’est un truc qui m'a boosté, qui m'a fait encore plus travailler. Les plus grands champions ont perdu. Ils ont su rebondir." Lors de la revanche, il se casse une côte au premier round mais demande à son coin de ne pas lui appliquer de poche de glace entre les rounds pour ne pas donner d’information à son adversaire. "Et il tient tous les rounds, sourit Atch. Il est juste incroyable ce petit."
En novembre dernier, Parnasse (bilan global à 17-1 chez les pros) ajoute le titre intérimaire des légers à sa collection après avoir étranglé Sebastian Rajewski suite au forfait du champion, Marian Ziolkowski. Un combat pris et remporté malgré une grosse blessure au genou. "Je l’ai fait car c’était une grosse opportunité pour ma carrière. Pour moi, ne pas combattre n'était pas possible. J’aurais pu attendre mais ça m'aurait peut-être fait ralentir donc non." Place désormais à Ziolkowski, avec qui les échanges médiatiques montrent une sincère inimitié. "On ne s'aime pas, clair, lance Parnasse. On va régler ça. Il a la ceinture, je viens la chercher, c’est lui qui a la pression."
Les 50.000 spectateurs du stade national de Varsovie pencheront plus pour son rival polonais mais Parnasse aura aussi ses fans parmi ce public qui le voit évoluer au KSW depuis cinq ans. Mais son clan a bien conscience de ne pas évoluer à la maison. "On n’est pas chez nous et on sait comment ça se passe à l’étranger, pointe Atch. Il ne faut pas qu’on laisse les juges déterminer le vainqueur. Salah prendra les initiatives pour faire en sorte de le terminer avant la limite." Au bout, Parnasse peut devenir double champion incontesté des légers et des plumes en simultané, comme l’avait fait avant lui Mateusz Gamrot, aujourd’hui dans le top 10 des challengers des légers à l’UFC. "Il faut prendre cette ceinture pour marquer l’histoire du MMA français", insiste Parnasse.
Et l’UFC, justement? Beaucoup rêvent de voir Parnasse y tester ses qualités face aux meilleurs combattants de la planète. Mais chaque chose en son temps. Tête bien posée sur les épaules, celui qui avait encore un emploi à la mairie d’Aubervilliers il y a quelques mois car "c’est important d’avoir des fiches de paie pour créer sa sécurité" souhaite d’abord mettre les siens à l’abri. Bien mieux traité financièrement au KSW qu’il ne le serait pour son premier contrat dans l’organisation mastodonte du MMA mondial, sans compter les sponsors qui peuvent l’accompagne au KSW quand ils ne le pourraient pas à l’UFC, Parnasse ne cache pas sa priorité logique dans un sport où une sale blessure peut hypothéquer votre carrière. Mais la porte vers la lumière la plus éblouissante s’ouvrira un jour.
"Il a largement le niveau pour aller à l’UFC mais je ne veux pas brûler les étapes, détaille Atch. Salah veut être le numéro 1 mondial. Laissez-nous le temps de bien faire les choses. On a prouvé qu'on avait fait les bons choix au bon moment. Si on doit aller là-bas, c'est pour y rester." Et de préciser: "Une double ceinture du KSW serait un levier de négociation pour espérer beaucoup plus quand on ira". "J'aimerais laisser une grosse empreinte dans ce sport, rappelle l’intéressé, donc c'est un truc que j'aimerais bien faire, mais il faut avancer étape par étape. Je ne refuse rien donc tu pourras peut-être me voir à l'UFC ou peut-être dans d'autres organisations. Pour l'instant, je suis bien au KSW."
Considéré par beaucoup comme le meilleur combattant français actuel toutes catégories confondues, Parnasse est un talent rare. Protéiforme. Formé à toutes les facettes du MMA depuis quatorze ans, le garçon qui cite Jose Aldo ou Conor McGregor comme modèles (mais aussi les boxeurs Canelo Alvarez et Gervonta Davis ou le kickboxeur Superbon Banchamek) est hyper polivalent : bon debout, bon au sol (où il est ultra fluide), le tout avec un réservoir inépuisable. "Il va vite, il a le timing, il sait lutter, défendre les attaques de lutte, il a un sol improbable, un striking de folie, énumère Atch. Qu'est-ce que tu veux de plus?"
Peu adepte du trashtalking ("Il parle avec ses poings et ses jambes", sourit son coach) et pas très à l’aise devant les micros et les caméras même s’il s’améliore), le combattant français n’a pas le profil d’une superstar populaire par ses mots. Un manque à une époque où il faut savoir se vendre et faire parler de soi. Mais ses qualités sportives emportent l’adhésion. Au point de se demander déjà ce qu’il donnerait face à Alexander Volkanovski, champion des plumes de l’UFC et meilleur combattant de la planète dans cette catégorie.
"Volkanovski est un super athlète mais il n’a jamais pris un animal comme Salahdine, estime Atch. Salahdine peut le faire tombe car il a tout, le striking, le travail de transitions, le sol, et surtout cette capacité à tenir cinq rounds." Parnasse "aimerai(t) bien" un tel défi. Si la marche en avant continue, il fera partie du futur. A court, moyen ou long terme. "Ziolkowski est un combat hyper important, un tournant, conclut Atch. Après, il y a une défense de titres puis on revoit pleins de choses: KSW? Pas KSW? Il y a pleins de choses à voir." "Je fais partie des cinq meilleurs prospects mondiaux dans le MMA, c’est déjà quelque chose d’énorme, lançait son protégé fin 2022. On est 7000 sur la planète dans cette division et j’arrive dans le top 20 mondial." Salahdine Parnasse a encore des marches à monter dans l’escalier. Mais toutes les qualités pour arriver tout en haut.