A Vladivostok, Poutine appuie les garanties réclamées par Kim Jong-un

par Maria Vasilyeva et Vladimir Soldatkin

VLADIVOSTOK, Russie (Reuters) - Kim Jong-un et Vladimir Poutine, qui se voyaient jeudi pour la première fois, ont discuté pendant plusieurs heures de la dénucléarisation de la Corée du Nord, de la politique américaine et des sanctions, le président russe estimant que le régime de Pyongyang avait besoin de garanties internationales en matière de sécurité.

"Nous, mes collègues et moi, sommes satisfaits des résultats de ces discussions", a déclaré Poutine au terme de ce sommet organisé à Vladivostok, ville portuaire de l'Extrême-Orient russe, qui s'est achevé sans déclaration commune.

Les Nord-Coréens, a poursuivi le président russe, "n'ont besoin que de garanties sur leur sécurité. Voilà. Nous devons tous ensemble réfléchir à cela."

Il a précisé que l'approche russe du dossier coréen coïncidait en partie avec la politique américaine mais a estimé que des accords bilatéraux sur la sécurité ne seraient pas suffisants.

"Je suis profondément convaincu que si l'une des parties demande des garanties pour sa sécurité, en l'occurrence la Corée du Nord, il ne sera pas possible d'aller de l'avant s'il n'y a pas de garanties internationales. Il est peu probable que de simples accords entre deux pays soient suffisants."

De telles garanties internationales doivent être juridiquement contraignantes et doivent garantir la souveraineté de la Corée du Nord, a insisté Vladimir Poutine.

Kim Jong-un, arrivé la veille par train blindé, n'a pas fait de déclaration à la presse après avoir pris congé de son hôte. Lors d'une suspension de séance, il avait souligné que la question coréenne était un sujet d'intérêt mondial.

Le sommet de Vladivostok intervient à un moment où les négociations entre la Corée du Nord et les Etats-Unis entamées lors du sommet historique ayant réuni Kim Jong-un et Donald Trump en juin dernier à Singapour semblent dans une impasse, comme l'a montré la conclusion sans accord de leur second sommet, fin février à Hanoï.

ASSURANCE-VIE

Et cette première rencontre entre Poutine et Kim devait précisément démontrer que les Etats-Unis ne sont pas la seule puissance disposant de l'influence suffisante pour engager des négociations avec Pyongyang sur son programme nucléaire.

Le dirigeant nord-coréen, a rapporté Vladimir Poutine, a redit qu'il souhaitait aboutir à une dénucléarisation mais qu'il lui fallait des garanties en matière de sécurité.

Le régime de Pyongyang, instruit du sort du Libyen Mouammar Kadhafi qui a accepté en 2003 un accord de démantèlement de ses armes de destruction massive, considère son programme nucléaire comme une assurance-vie.

Dans l'esprit du président russe, qui discutera du dossier nord-coréen avec ses homologues américain Donald Trump et chinois Xi Jinping, le cadre des "pourparlers à six" pourrait être une solution adéquate afin de convaincre Pyongyang de la solidité de ces garanties.

Lancés il y a plus de quinze ans mais aujourd'hui au point mort, ces discussions à six réunissaient, outre les deux Corées, les Etats-Unis, la Chine, la Russie et le Japon.

Le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, notait mercredi qu'il n'existait pas "pour le moment d'autre mécanisme international efficace" sur ce dossier.

"Mais, d'autre part, des efforts sont menés par d'autres pays. Tous ces efforts méritent d'être appuyés dans la mesure où ils visent réellement à la dénucléarisation et au règlement des problèmes entre les deux Corées", ajoutait-il.

FACILITATEUR

A l'entame de leur sommet, le président russe avait déclaré qu'il se réjouissait des efforts du dirigeant nord-coréen pour normaliser les relations entre la Corée du Nord et les Etats-Unis, et le numéro un de Pyongyang a pour sa part estimé que ce sommet en Russie contribuerait à coordonner les positions des deux pays.

Vladimir Poutine a dit espérer que la visite de Kim permettrait de "mieux comprendre par quel biais nous pouvons parvenir à un accord pour la péninsule coréenne, ce que nous pouvons effectuer ensemble, ce que la Russie peut faire pour soutenir le processus positif qui a été engagé".

Soulignant la longue histoire d'amitié qui unit la Corée du Nord et la Russie, Kim Jong-un a indiqué que sa visite permettrait de renforcer les liens entre les deux pays.

"Alors que l'attention du monde est focalisée sur la péninsule coréenne, nous allons avoir un dialogue très pertinent pour nous permettre d'évaluer conjointement les politiques autour de la péninsule coréenne, et partager, coordonner et étudier nos points de vue", a déclaré le dirigeant nord-coréen, arrivé la veille à bord d'un train blindé.

Soucieuse de ne pas froisser Washington, la Russie a tenu à se présenter comme un "facilitateur" et non un concurrent dans les négociations avec Pyongyang.

Un représentant du département d'Etat américain a déclaré de son côté mercredi que "les Etats-Unis et la communauté internationale ont un but commun - la dénucléarisation définitive et vérifiable de la Corée du Nord".

Poutine et Kim se sont retrouvés pour la journée sur le campus de l'Université fédérale de l'Extrême-Orient.

La dernière rencontre entre le président russe et un dirigeant nord-coréen remontait à 2002, quand Poutine s'était entretenu avec Kim Jong-il. Le père de Kim Jong-un avait également rencontré Dmitri Medvedev, alors président, en 2011.

(avec Hyonhee Shin et Joyce Lee à Séoul et Maria Kiselyova à Moscou; Tangi Salaün, Guy Kerivel, Jean Terzian et Henri-Pierre André pour le service français)