Moscou aurait retiré 70% de ses troupes de l'est de l'Ukraine

par Pavel Polityuk et Gareth Jones KIEV (Reuters) - Le président ukrainien, Petro Porochenko, a déclaré mercredi que la Russie avait rapatrié la majeure partie des troupes qu'elle avait déployées dans l'est de l'Ukraine, laissant espérer la possibilité d'un processus de paix. La Russie nie être intervenue en Ukraine aux côtés des séparatistes, ou même soutenir ces derniers, ce qui n'a pas empêché le président Vladimir Poutine de négocier l'accord de cessez-le-feu entré en vigueur vendredi. "D'après les dernières informations que j'ai reçues de nos services de renseignement, 70% des troupes russes ont franchi la frontière dans l'autre sens", a dit Petro Porochenko lors d'une réunion du gouvernement. Lors de cette intervention, le chef de l'Etat a précisé qu'une feuille de route dont le contenu a été accepté la semaine dernière par l'Ukraine et par les séparatistes pro-russes préserve le concept de souveraineté et d'unité dans les frontières du pays. Un texte de loi accordant un statut spécial à certaines zones occupées par les rebelles dans les régions de Donetsk et de Louhansk sera soumis au Parlement la semaine prochaine, a toutefois déclaré le président ukrainien, en excluant toutefois le "fédéralisme" souhaité par Moscou. "Le protocole (signé à Minsk vendredi dernier) prévoit la restauration et la préservation de la souveraineté ukrainienne sur l'ensemble du territoire du Donbass comprenant les zones contrôlées par les combattants", a dit Petro Porochenko. "Il n'est pas question de fédéralisme ni de sécession", a-t-il insisté. Le chef de l'Etat a par ailleurs déclaré à ses ministres que le cessez-le-feu signé la semaine dernière par les deux parties dans l'est du pays était difficile à faire respecter en raison des "provocations" des rebelles. L'OSCE POUR UN REPORT DES SANCTIONS L'armée ukrainienne a fait état de six violations de la trêve depuis mardi, précisant que ces incidents n'ont pas fait de victimes. Cinq soldats ont été tués depuis que les armes sont censées s'être tues. Les autorités municipales de Marioupol ont annoncé pour leur part un renforcement des mesures de sécurité, dont un couvre-feu nocturne, pour limiter les mouvements des séparatistes. Des combattants tchétchènes sont par ailleurs arrivés à Dniepropetrovsk, à l'ouest de Donetsk, où ils ont expliqué à un journaliste de Reuters vouloir rejoindre le front pour se venger des "envahisseurs russes". La présence de Tchétchènes, qui témoigne de la complexité du conflit, avait déjà été signalée du côté des séparatistes pro-russes. Malgré les tensions toujours vives, Vladimir Poutine et Petro Porochenko sont globalement satisfaits de la manière dont le cessez-le-feu est appliqué, a déclaré un conseiller du Kremlin. Les deux chefs d'Etat se sont entretenus de la question mardi au téléphone, a indiqué Iouri Ouchakov. Un "satisfecit a été exprimé de notre part et de celle des Ukrainiens sur la manière dont le cessez-le-feu est observé, bien que ce soit un processus difficile", a-t-il dit. Kiev et ses alliés occidentaux veulent continuer à faire pression sur Moscou et brandissent la menace de nouvelles sanctions qu'ils hésitent cependant à appliquer. En signe de soutien à Kiev, le président de la chambre américaine des Représentants, John Boehner, a annoncé que Petro Porochenko avait été invité à s'exprimer devant le Congrès américain le 18 septembre. Le président de la Confédération suisse et dirigeant en exercice de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), qui supervise la trêve, a jugé de son côté qu'il serait "raisonnable" d'accorder davantage de temps au processus de paix avant d'imposer d'éventuelles nouvelles sanctions à la Russie. AMNESTY DÉNONCE DES CRIMES DE GUERRE En déplacement à Prague, Didier Burkhalter a ajouté que l'OSCE entendait déployer prochainement des drones pour veiller au respect du cessez-le-feu. La chancelière allemande Angela Merkel a suggéré que le nouveau train de sanctions de l'Union européenne soit appliqué, quitte à en suspendre ensuite l'exécution si des progrès sont constatés sur le terrain. Selon la ministre finlandaise des Affaire européennes et du Commerce extérieur, Leena Toivakka, les nouvelles sanctions doivent entrer en vigueur dans les jours qui viennent, ce qui laissera le temps d'évaluer le respect du cessez-le-feu et du plan de paix. L'organisation Amnesty International a de son côté annoncé détenir les preuves que des crimes de guerre ont été commis par les deux camps et dénoncé le rôle joué par Moscou. "Amnesty International a qualifié le conflit en Ukraine de conflit international et la Russie de belligérante", a déclaré son secrétaire général, Salil Shetty, lors d'une conférence de presse à Moscou. Ni Vladimir Poutine ni son ministre des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, n'ont répondu aux demandes d'explications de l'ONG, a-t-il ajouté. (Avec Thomas Grove et Polina Devitt à Moscou, Nicolas Delame, Pierre Sérisier et Tangi Salaün pour le service français)