Kiev menace de recourir au tribunal arbitral sur le gaz russe

par Pavel Polityuk et Thomas Grove KIEV (Reuters) - L'Ukraine saisira l'Institut d'arbitrage commercial de Stockholm si la Russie n'accepte pas de réduire le prix du gaz naturel qu'elle lui livre, a déclaré samedi le ministre ukrainien de l'Energie. Iouri Prodan a souligné que des négociations étaient en cours avec Moscou après la hausse brutale de 80% du prix du gaz russe imposé à l'Ukraine cette semaine. Kiev a également entamé des discussions avec l'Union européenne pour trouver une source d'approvisionnement alternative. "Si nous ne parvenons pas à un accord (avec la Russie), notre contrat prévoit une procédure qui nous mènera devant le tribunal arbitral à Stockholm", a dit le ministre à la presse avant une réunion gouvernementale. "Nous ne cherchons pas à rompre notre contrat mais à obtenir un prix honnête comme celui qui est appliqué à l'Europe", a-t-il ajouté. "Nos voisins russes ont trouvé une nouvelle forme d'agression contre l'Ukraine, une agression par le biais des fournitures de gaz", a-t-il poursuivi. "Ce prix est le plus élevé sur le territoire européen et ce n'est pas un prix économique mais politique". Iouri Prodan a précisé que son pays n'avait aucune intention de détourner une partie du gaz russe destiné aux pays européens transitant par l'Ukraine si Gazprom devait suspendre ses livraisons, comme Moscou en a accusé Kiev lors de précédents conflits, en 2006 et 2009. La Russie a augmenté jeudi, pour la deuxième fois en trois jours, le prix du gaz vendu à l'Ukraine, ce qui correspond à une hausse cumulée de 80%, nouvelle pression sur une économie déjà au bord de la faillite. La dernière augmentation en date porte le gaz vendu à l'Ukraine à 485 dollars les 1.000 mètres cubes, deux jours seulement après une première augmentation de 44% qui avait relevé le prix de 268,5 à 385,5 dollars. Alexei Miller, le PDG de Gazprom a indiqué dans un entretien accordé vendredi à la chaîne de télévision Rossiya 24 et diffusé samedi que l'Ukraine avait accepté ce nouveau tarif. "Le prix du gaz inclus dans le budget de l'Ukraine est le prix qui est déjà en vigueur aujourd'hui, 485 dollars, et cela confirme une fois de plus que l'Ukraine le reconnaît comme le prix du marché, reconnaît l'accord en cours et est prête à payer ce prix pour notre gaz", a-t-il dit. SUPPRESSION D'ABATTEMENTS L'Ukraine, dont la moitié des besoins en gaz sont couverts par les livraisons russes, a qualifié l'initiative de Gazprom de décision politique et "totalement inacceptable", selon les termes de son Premier ministre Arseni Iatseniouk. Elle a également entamé des discussions urgentes avec ses voisins d'Europe centrale pour qu'ils lui vendent du gaz. Selon un accord de 2009, le prix du gaz est établi sur la base de plusieurs autres produits pétrolier. Kiev bénéficiait de deux rabais importants, le premier datant de 2010 pour avoir prolongé le bail de la flotte russe de la mer Noire à Sébastopol jusqu'en 2042 et le deuxième datant de décembre dernier après le refus par Viktor Ianoukovitch de ratifier un partenariat avec l'Union européenne. Selon Alexei Miller, ces deux rabais ont disparu "de manière tout à fait conforme au contrat" car Kiev n'a pas payé ses dettes qui s'élevaient à 2,2 milliards de dollars fin mars contre 1,4 milliard fin décembre. "L'Ukraine comprend parfaitement pourquoi cet abattement a disparu, ils comprennent parfaitement que la suppression de ces abattements est la faute de l'Ukraine. On ne peut pas fournir du gaz pour rien", a-t-il dit. (Pavel Polityuk; Tangi Salaün pour le service français)