Kiarostami, testament plan-plan

Maniaque . «24 Frames», de l’Iranien mort l’an dernier, est un film expérimental déboussolant, fait de séquences fixes et contemplatives.

En novembre 2015, au cours d’une masterclass au festival de Marrakech, Abbas Kiarostami présentait deux extraits d’un projet en cours sur lequel il travaillait depuis trois ans et alors intitulé 24 Frames Before and After Lumiere. Il devait enchaîner avec un tournage en Chine pour un film de fiction intitulé Walking in the Wind. Mais le cinéaste iranien, 75 ans, n’a en fait plus que quelques mois à vivre, il meurt d’un cancer début juillet 2016.

Dernier film de Kiarostami que nous pourrons jamais voir à Cannes, 24 Frames est un étrange testament d’immobilité contemplative légèrement sadique. Chaque séquence est un plan fixe de quatre minutes trente entrecoupé d’un carton (frame 1, frame 2…). Pas d’humains ici (sauf une fois, mais ils ne bougent pas), juste des animaux dans des paysages majoritairement neigeux. Beaucoup d’oiseaux, quelques vaches, des cerfs, un troupeau de moutons, des chevaux, des canards, un chat, deux ou trois chiens, un couple de lions surpris en plein coït sous l’orage, des loups… On a du mal à comprendre exactement quel type d’images on regarde car chaque plan est le produit d’un trafic où le cinéaste est parti de tableaux et de photos qu’il a ensuite animés numériquement. Chaque séquence, empruntant dans sa maniaquerie du détail ténu à l’art de la miniature, aurait ainsi requis six semaines de travail.

Le virage de Kiarostami, dans les années qui suivirent sa palme d’or en 1997 pour le Goût de la cerise, à la fois en direction du cinéma numérique et d’une pratique polyvalente d’artiste alternant vidéo, photographie, installations, correspond aussi à son éloignement de l’Iran. Il est frappant d’ailleurs de voir à quel point les tableaux de 24 Frames n’appartiennent à aucune nationalité assignable (exception faite d’un plan où l’on voit la tour Eiffel), flottant dans un éternel présent de carte postale.

Ce n’est (...)

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